10 ans du Droit au logement opposable: Les quatre raisons du bilan mitigé du Dalo
MAL-LOGEMENT•Plusieurs associations manifestent ce dimanche à Paris avec pour mot d'ordre: «Dix ans après, applique la loi, c'est urgent !»...Delphine Bancaud
Il a suscité beaucoup d’espoir, mais reste décevant. Le Droit au logement opposable (Dalo), voté le 5 mars 2007, fête ses dix ans ce dimanche. Il stipule que toute personne menacée d’expulsion et n’étant pas en situation de se reloger par elle-même peut être reconnue prioritaire pour l’accès à un logement social.
Pour l’occasion plusieurs associations (dont la Fondation Abbé Pierre, le Droit au Logement, Emmaüs, ATD Quart-Monde ou le Secours Catholique) manifestent ce dimanche après-midi à Paris avec pour mot d’ordre : « Dix ans après, applique la loi, c’est urgent ! ». Car si depuis 2008, 123.596 ménages ont été relogés grâce à la loi sur le Dalo, encore 58.000 ménages reconnus prioritaires sont toujours en attente d’un logement (dont 45.000 en, Ile-de-France). 20 Minutes revient sur les quatre raisons qui expliquent le bilan en demi-teinte du dispositif.
Encore trop de mal-logés ne connaissent pas le Dalo ou n’y ont pas recours
« Depuis 2008, 700.000 dossiers de recours Dalo ont été déposés alors que la France compte 4 millions de mal-logés. Cela montre le faible recours au regard des ménages potentiellement éligibles au dispositif.Le signe que l’accès à ce droit n’est pas si simple », souligne à 20 Minutes Matthieu Hoarau, porte-paroles du Secours Catholique. « Il faut remplir un dossier de 10 pages, ce qui peut constituer un frein administratif pour beaucoup de personnes et les travailleurs sociaux ne sont pas tous formés à l’accompagnement des potentiels demandeurs », souligne-t-il.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Secours Catholique a monté une quinzaine de « permanences Dalo », pour aider les mal-logés à faire les démarches. Et ce n’est pas la seule association à le faire. Pour améliorer cela, les associations recommandent d’ailleurs la mise en place d’un accompagnement systématique de tous les mal logés pour remplir et déposer un dossier Dalo. Et ce en renforçant les services sociaux ou en dotant en moyens humains les associations qui remplissent cette mission.
Le taux de reconnaissance des prioritaires du Dalo est en baisse
« Le taux de reconnaissance des ménages au titre du Dalo est passé de 45 % en 2008à 31 % aujourd’hui. Et ce, alors que la crise du logement s’est aggravée », souligne auprès de 20 Minutes, Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre. De plus en plus de dossiers sont rejetés donc. Et les disparités régionales dans ce domaine sont manifestes : « les écarts du taux de reconnaissance au titre du Dalo varient de 15 % à 70 % », renchérit Matthieu Hoarau.
Selon un rapport sur l’effectivité du Dalo, du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et du Comité de suivi de la loi Dalo paru en décembre, ce phénomène s’explique par « une interprétation de plus en plus restrictive des critères de la loi par les commissions de médiation chargées d’étudier les dossiers ». Mais pour Christophe Robert, il y a d’autres explications : « certains territoires filtrent les demandes, car ils n’ont pas suffisamment de solutions de relogement. Ils estiment que ce n’est pas la peine de faire miroiter une promesse aux ménages mal-logés, s’ils ne peuvent pas la satisfaire. Et ils multiplient donc les critères d’éligibilité au Dalo », affirme-t-il.
D’où la demande des associations d’homogénéiser les pratiques des Commissions de médiations chargés d’étudier les dossiers.
Certains acteurs du logement social rechignent à attribuer un logement aux prioritaires Dalo
«Le nombre de relogements a fortement augmenté passant de 12.967 en 2012 à 20.170 en 2016, soit une augmentation de 55 % », souligne le ministère du Logement dans un communiqué. Mais « une part non négligeable de ménages bénéficiant du Dalo rencontre encore des difficultés de relogement dans certains territoires. Dix-huit départements concentrent ainsi 87,5 % des recours », concède-t-il.
Les associations estiment notamment que certains acteurs du logement (préfectures, maires, bailleurs sociaux…) font preuve de mauvaise volonté en ce qui concerne les attributions de logements sociaux aux prioritaires Dalo. « Ces derniers sont stigmatisés et on ne les reloge pas car on craint qu’ils soient de mauvais payeurs. Alors que la majorité des ménages reconnus prioritaires Dalo travaillent et peuvent tout à fait honorer un loyer adapté à leurs ressources », souligne Matthieu Hoarau.
Mais la situation pourrait changer grâce à la loi Egalité et Citoyenneté votée en janvier dernier qui « apporte des avancées notables »? selon le ministère du logement. Selon cette loi, les réservataires (préfectures, mairies, organismes collecteurs du « 1 % logement », bailleurs sociaux…) doivent en effet « contribuer au logement des personnes défavorisées en consacrant au moins 25 % de leurs attributions aux ménages prioritaires et en particulier aux ménages bénéficiant du Dalo », indique-t-elle. « Cela va permettre de pointer ceux qui ne jouent pas le jeu », commente Christophe Robert.
L’offre de logements très sociaux n’est pas suffisante
A ce jour, 45.000 ménages reconnus prioritaires Dalo sont en Ile-de-France). « Ce qui prouve bien qu’il y a un problème spécifique dans cette région, notamment parce qu’il n’y a pas assez de constructions de logement très sociaux. On construit majoritairement du PLS alors qu’il faudrait du PLAI », souligne Matthieu Hoarau. Les associations recommandent donc un réajustement de l’offre de logements sociaux. « On souhaite aussi la mise en place d’une cellule d’urgence en Ile de France, pilotée par le préfet, pour faire avancer la situation des prioritaires Dalo dans la région », insiste Christophe Robert.