WEBGoogle: Le Conseil d'Etat se penche sur le droit à l'oubli

Google: Le Conseil d'Etat se penche sur le droit à l'oubli

WEBLa juridiction administrative suprême doit se prononcer sur des requêtes formulées par des particuliers dont les demandes ont été rejetées…
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Illustration Google  -  Kim Jin-a/AP/SIPA
Anissa Boumediene

A.B. avec AFP

Le Conseil d’Etat se penche jeudi sur le refus opposé par Google et la Cnil à des demandes de « droit à l’oubli » faites par des particuliers, des dossiers qui pourraient faire jurisprudence. La plus haute juridiction administrative a été saisie par quatre particuliers qui estiment que leur demande de déréférencement (suppression des résultats de recherches associés à une personne), refusée par le géant américain puis par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), aurait dû être validée.

Aucune jurisprudence

Les requêtes des plaignants concernent une vidéo sur le site YouTube et des articles de presse publiés sur les sites de Libération, Nice Matin ou encore du Figaro. Plusieurs portent sur des articles relatant des affaires judiciaires ayant concerné les plaignants et qui continuent à apparaître quand on tape leur nom dans le moteur de recherche. Ces requêtes seront examinées devant l’Assemblée du contentieux, l’une des formations solennelles du Conseil d’Etat qui jugent les affaires présentant une « importance remarquable ».

Cette formation se réunit en particulier lorsqu’aucune jurisprudence n’existe dans le domaine concerné, ce qui est le cas du « droit à l’oubli » sur lequel la haute juridiction administrative est amenée à se prononcer pour la première fois. L’affaire découle directement d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a consacré le « droit à l’oubli » numérique en mai 2014, en donnant aux citoyens - sous certaines conditions - la possibilité d’obtenir des moteurs de recherche le déréférencement d’informations les concernant directement.

Un millier de plaintes déposées à la CNIL

Concrètement, la CJUE estime que les données personnelles doivent être traitées « loyalement » et « licitement », être considérées comme « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ». Dans le cas où ces critères ne sont pas remplis, le moteur de recherche a l’obligation de supprimer les liens contestés si une personne en fait la demande. Sachant que les sites incriminés seront toujours accessibles en cherchant avec d’autres mots-clés que le nom du plaignant.

En cas de refus de Google, le citoyen peut s’adresser à un juge ou, le plus souvent, à la CNIL. Celle-ci a reçu un millier de plaintes à ce jour, dont 30 % ont été jugées légitimes, et transmises au groupe américain, ce qui n’a pas été le cas des quatre plaintes qui se retrouvent devant le Conseil d’Etat. Dans 75 % des cas, le géant de l’internet répond favorablement aux demandes de la Cnil, selon cette dernière.

Une série d’audiences

Le Conseil d’Etat est par ailleurs saisi d’un contentieux entre Google et la CNIL après la condamnation, en mars dernier, du géant américain. Ce dossier ne sera pas examiné ce jeudi par la haute juridiction. Google a été condamné en mars 2016 par la CNIL à 100.000 euros d’amende pour avoir refusé de retirer des informations de ses moteurs hors d’Europe et a fait appel de cette décision devant le Conseil d’Etat. Le groupe estime que la CNIL n’a pas la moindre compétence hors de France.

Bien que contestant la décision de la CJUE de 2014, Google avait mis un formulaire à la disposition de tout internaute désirant qu’une information à son sujet n’apparaisse plus dans le moteur de recherche lorsque son nom est saisi. Mais si Google a finalement accepté d’appliquer ce principe du « droit à l’oubli », il n’a fait disparaître les résultats que pour les recherches effectuées à partir des extensions européennes de son site. Comme google.fr en France ou google.it pour l’Italie, mais pas google.com, l’adresse principale du moteur, ni ses déclinaisons hors d’Europe.

Une situation que la Cnil n’a pas appréciée, finissant par condamner le géant de l’internet en estimant que le droit au déréférencement ne doit pas varier en fonction de l’origine géographique des internautes. Pour justifier son appel devant le Conseil, le groupe a estimé que « la CNIL, en tant qu’autorité nationale en France n’a pas le pouvoir, de par la loi française, d’imposer des mesures hors de ses frontières ».

La décision du Conseil d’Etat sur la plainte déposée par des particuliers ne sera pas connue avant plusieurs semaines.