UBS France retrouve en justice Stéphanie Gibaud, la lanceuse d'alerte qui «en savait trop»
JUSTICE•UBS poursuit en diffamation la « lanceuse d’alerte » Stéphanie Gibaud, ancienne salariée de la banque, pour plusieurs passages de son livre « La femme qui en savait vraiment trop »…20 Minutes avec AFP
Elle dit qu’elle en « savait trop ». Stéphanie Gibaud se défend ce jeudi face à son ex-employeur, UBS France, qui l’accuse de « diffamation » pour un livre décrivant des pratiques d’évasion fiscale de la banque.
La banque a relevé une vingtaine de passages selon elle diffamatoires dans le livre La femme qui en savait vraiment trop, paru en 2014 aux éditions Le Cherche Midi. La banque a porté plainte contre l’auteure, qui a travaillé pendant une dizaine d’années pour elle, mais aussi contre l’éditeur.
Protéger sa « réputation »
Dans une déclaration,UBS France dit vouloir « défendre et protéger ses salariés », ainsi que sa « réputation », contre des « accusations sans preuve ni articulation de faits précis ». La banque dénonce les « nombreuses déclarations mensongères, les incohérences et contradictions contenues dans (le) livre ».
L’affaire doit être jugée jeudi à partir de 13h30 devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans ce que l’on appelle les « délits de presse », très souvent des affaires de diffamation et d’injures. Plusieurs sources proches du dossier ont toutefois indiqué que l’audience pourrait être renvoyée.
Le « carnet du lait »
Dans son ouvrage d’un peu plus de 200 pages, la lanceuse d’alerte Stéphanie Gibaud raconte son travail à partir de septembre 1999 au sein de la filiale française du géant bancaire suisse UBS. Chargée d’organiser des récitals, tournois de golfs et autres réceptions luxueuses pour les clients ou potentiels clients de la banque, auxquels participent des commerciaux, elle dit découvrir la pratique du « carnet du lait ». Il s’agit selon elle d’une comptabilité officieuse retraçant des fonds collectés en France mais transférés à l’étranger, en Suisse ou ailleurs, potentiellement pour échapper à l’impôt.
Le livre détaille aussi les consignes de discrétion données aux commerciaux d’UBS lors de leurs déplacements à l’étranger : il leur est par exemple conseillé, en cas de contrôle, de verrouiller leurs ordinateurs en tapant plusieurs fois, et volontairement, un mot de passe erroné.
Des « pratiques manifestement illégales »
En juin 2008, alors que le groupe UBS a déjà été inquiété par la justice américaine, et que les soupçons defraude fiscale s’accumulent en France, Stéphanie Gibaud dit avoir reçu la consigne de « détruire tous ses fichiers » informatiques, en particulier les listes de clients. Elle raconte ensuite comment, face à son refus, la banque la prive peu à peu de ses responsabilités, et s’efforce de la pousser vers la sortie mais bute sur son statut de salariée protégée - elle siège au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Stéphanie Gibaud est alors persuadée qu’on la suit, que son téléphone est mis sur écoute, son ordinateur piraté. Elle sera finalement licenciée en 2012. Le conseil de Prud’hommes de Paris a jugé en mars 2015 que l’ancien cadre avait été victime de harcèlement moral, et a condamné la banque à lui verser 30.000 euros de dommages et intérêts.
Me Richard Malka, avocat du Cherche Midi, se dit « serein » avant l’audience. « L’éditeur a agi dans un but d’intérêt général en publiant un témoignage qui dénonce des pratiques manifestement illégales », et qui est nourri par la « bonne foi », affirme-t-il. Et de rappeler que le parquet national financier a demandé le 24 juin 2016 le renvoi devant un tribunal de la banque suisse UBS AG et de sa filiale française, en relevant en particulier « l’omniprésence » de chargés d’affaires suisses lors des fastueux événements organisés en France pour tenter de trouver des clients fortunés. L’avocat de Stéphanie Gibaud, lui, n’a pas souhaité s’exprimer.