COMPTE-RENDUProcès du vol d’œuvres d’art: «J’ai fait la pire erreur de mon existence»

Procès du vol des tableaux de maîtres du musée d'Art moderne: «J'ai fait la pire erreur de mon existence»

COMPTE-RENDUTrois hommes comparaissaient pour le vol et le recel de cinq chefs-d’œuvre signés Picasso, Matisse, Braque, Modigliani et Léger, dérobés en mai 2010 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris…
Vjéran Tomic, accusé du vol de cinq tableaux de maître, lundi 30 janvier au tribunal correctionnel de Paris.
Vjéran Tomic, accusé du vol de cinq tableaux de maître, lundi 30 janvier au tribunal correctionnel de Paris. - BERTRAND GUAY / AFP
Hélène Sergent

Hélène Sergent

Où est passé le regard bleu et doux de La Femme à l’éventail peint en 1919 par Amedeo Modigliani ? Et le reverra-t-on un jour ? Ces questions, Vjéran Tomic et ses deux acolytes jugés pour le vol et le recel « en bande organisée » de cinq tableaux de maîtres, ont tenté d’y répondre lundi 30 janvier face au tribunal correctionnel de Paris.

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« Ils me plaisaient »

Connu des services de police « pour sa particulière dextérité dans le vol de bijoux et d’œuvres d’art », Vjéran Tomic ose, avant le début de l’audience, la comparaison avec Arsène Lupin. Il faut dire que le casse était presque parfait. Crâne rasé, carrure massive – 1m90 pour 100 kg – celui que le milieu surnomme « spider » (« araignée ») est parvenu à dérober au musée d’Art moderne de la ville de Paris cinq tableaux signés Picasso, Matisse, Braque, Modigliani et Léger pour une valeur totale estimée à 100 millions d’euros. Le vol, qu’il qualifie à la barre de « spectaculaire » a été méticuleusement préparé.

Sur la « commande » ou « demande » passée par son receleur, un antiquaire installé gare de Lyon, ne figurent que deux noms : Fernand Léger et Modigliani. Après avoir descellé une baie vitrée, Vjéran Tomic constate qu’aucun système d’alarme ne se déclenche. « L’homme-araignée » entame alors sa déambulation dans les salles du musée. Il n’emporte pas deux mais cinq tableaux : « Ils faisaient pas partie de la commande mais ils me plaisaient », lâche le prévenu.

« Je les ai mises à la poubelle »

A tel point que lorsque le rendez-vous est pris pour réaliser la transaction dans un parking de Bastille avec l’antiquaire, il hésite à les garder – « pour ma collection personnelle » –, puis fini par donner le tout à son receleur. « Il les regarde, mais ne les contemple pas », ajoute Tomic qui assure aujourd’hui qu’il « rendrait bien les toiles à la police », s’il les avait encore. Pourquoi son interlocuteur antiquaire accepte d’emporter les toiles volées ? « Vous vous rendez compte que ce sont des chefs d’œuvre ? » demande le président de la 32e chambre, « Ça reste très subjectif (…) Vous allez dans n’importe quel musée dans la Creuse, vous trouverez des pièces du même acabit », répond, sans ciller, le receleur.

Incapable de revendre les tableaux en raison de la médiatisation de l’affaire, l’antiquaire assure avoir confié à un ami horloger – le second receleur – l’ensemble du butin dans le courant de l’hiver 2010 et le convainc d’acheter La Femme à l’éventail de Modigliani. Appelé à la barre, l’artisan fond en larmes : « Encore aujourd’hui, je me demande comment j’ai pu accepter d’entrer dans un tel engrenage. » Les quatre œuvres, camouflées dans des sacs-poubelle, sont stockées derrière une armoire métallique dans l’atelier du prévenu, la dernière placée dans un coffre.

L’accélération de l’enquête grâce à un informateur anonyme mettant en cause Vjéran Tomic, conduit l’horloger en garde à vue. « Je sors de là dans un état déplorable », confie le troisième prévenu qui met en cause la « pression » subie de la part d’un enquêteur. « J’ai vidé l’armoire (…) et le coffre (…) Je les ai mises à la poubelle, j’ai fait la pire erreur de mon existence. »

L’audience doit se poursuivre vendredi matin.