Vague de froid: L’hébergement d'urgence sera-t-il à la hauteur?
PRECARITE•Au-delà des solutions conjoncturelles proposées par le gouvernement, les associations demandent des solutions durables…Delphine Bancaud
La vague de froid qui débute ce lundi sur la quasi-totalité de la France est la première de cette ampleur depuis 2012. Les températures seront inférieures de « quatre à huit degrés » aux normales saisonnières, selon Météo France. Une situation qui inquiète les plus démunis et ceux qui se préoccupent de leur sort. 20 minutes fait le point sur les dispositifs qui sont prévus en matière d’hébergement d’urgence.
Comment seront évalués les besoins des SDF ?
Pour Florent Gueguen, le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité (Fnars), « cet hiver est l’un des plus durs sur le front de l’hébergement, car il combine crise économique, crise du logement et crise migratoire », indique-t-il à 20 minutes. En prévision de la vague de grand froid, le gouvernement a mis en place samedi un « pilotage national quotidien », afin d’anticiper au mieux les besoins supplémentaires durant cette période. Un bilan quotidien sera établi avec les préfets. Les collectivités territoriales et les associations seront sollicitées pour mobiliser des gymnases et des salles communales en cas de besoin, voire pour ouvrir des accueils de jour.
Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a annoncé aussi qu’il mobiliserait plus en amont « la sécurité civile, la police et la gendarmerie, ainsi que des sapeurs-pompiers pour le repérage et la mise à l’abri des personnes concernées ». « C’est une démarche salutaire de déclencher toutes les réponses possibles pour ne pas laisser les gens sur le carreau. Mais encore faut-il que toute la chaîne, des préfets aux maires, se mobilise ensuite », commente auprès de 20 minutes, Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
Les SDF auront-ils quelqu’un au bout du fil ?
Le 115, ce numéro d’urgence destiné aux sans-abri est régulièrement saturé, ce qui décourage les SDF, certains renonçants même à l’appeler. « A Paris, il faut appeler trois fois avant d’avoir un écoutant en ligne », confirme à 20 minutes Eric Pliez, président Samu social de Paris.
Mais le 115 « va être dimensionné pour recevoir ces appels », s’est engagé le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, ce lundi sur Europe 1. « Nous avons déjà renforcé le nombre d’écoutants qui sont une trentaine actuellement », explique aussi Eric Pliez, qui explique qu'« il vaut mieux appeler entre 11h et 17h ou en fin de journée vers 19h pour avoir plus de chance de trouver une solution ». « S’il y avait la moindre difficulté » à joindre le 115, « il faut appeler le 15 », numéro du Samu, a également conseillé le ministre de l’Intérieur ce lundi.
Combien y a t’il de places disponibles dans les centres d’hébergement ?
« Il y aura de la place pour tout le monde », a promis le ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux, ce lundi. Tout en rappelant que pendant le quinquennat, le gouvernement a fait grimper le nombre de places d’hébergement de 82.000 à 129.000 places, avec des ouvertures de 10.000 places supplémentaires, mobilisées au titre de la période hivernale. En outre, les salles communales ou dans les gymnases pourront donc être débloquées en cas de besoin.
Sur place, des associations ont aussi anticipé les difficultés : « Nous ouvrons certains centres quand les températures baissent. Comme dans la Sarthe, l’Isère, La Loire et le Vaucluse la semaine dernière. Et début janvier nous avons ouvert un abri de nuit à Paris, où les SDF peuvent passer quelques heures pour se réchauffer », indique à 20 minutes Florent Vallée, responsable des opérations à La Croix Rouge.
Mais les associations ne peuvent assurer que cela suffira : « Malgré les efforts qui sont menés, on n’est sûr de rien car les besoins sont durs à quantifier », indique Christophe Robert. « Pour Paris, sur le papier, cela paraît suffisant d’autant que l’ouverture de 1.200 places d’hébergement d’urgence sont prévues cet hiver. Mais l’on peut avoir des surprises », déclare Eric Pliez.
Quant à Florent Gueguen, il rappellela situation tendue de décembre, où « moins d’une personne sur deux qui avait appelé le 115 (dans 45 départements) avait été prise en charge ». « Et sur Paris, dans la nuit de samedi à dimanche, près de 200 personnes qui ont appelé le 115, n’ont pas obtenu de solution d’hébergement. C’est moins que les semaines précédentes, mais cela reste trop important », poursuit-il. Selon lui, la situation est également très tendue à Lyon, Grenoble et Lille où plusieurs centaines de personnes restent sur le carreau chaque nuit.
« Ouvrir des gymnases et des salles municipales quelques jours, ce n’est qu’une solution temporaire qui ne répond pas à la crise de l’hébergement. Car ces lieux vont fermer une fois que les températures vont remonter », estime d’ailleurs Florent Gueguen. Un avis partagé par Christophe Robert : « Cette gestion de l’hébergement d’urgence en fonction du thermomètre prouve notre incapacité à apporter des solutions pérennes. Il faut notamment développer des places dans les centres d’hébergement d’insertion, libérer des logements sociaux… », estime-t-il.
Quelles maraudes sont prévues ?
Bruno Le Roux a annoncé ce lundi que les maraudes allaient être intensifiées. C’est déjà le cas pour le Samu social de Paris : « Nous avons désormais 11 véhicules qui effectuent les maraudes contre 7 habituellement », indique Eric Pliez.
« On effectue un vrai travail de pédagogie pour inciter les SDF à se rendre dans un centre d’hébergement, mais sans les y contraindre pour autant », explique Florent Vallée. Seul problème :certains d’entre eux refusent, notamment car ils redoutent d’être orientés vers des centres aux immenses dortoirs et aux règles strictes. « Parfois, ils ont connu des expériences malheureuses et ont été victimes de vols ou de violences », précise Florent Gueguen.
Pour aller vers ces grands exclus, le Samu social a lancé début janvier une expérimentation : « un accueil de nuit de 15 places, ouvert de 19h à 9h dans le XIIe arrondissement. Ici, sans avoir à téléphoner au préalable, on peut rester quelques nuits, et les règles sont souples : on peut consommer de l’alcool, venir avec son chien, sortir à tout moment et rester devant la télé toute la nuit si on ne souhaite pas se reposer », explique Eric Pliez.
Quelle aide les citoyens peuvent-ils apporter aux SDF ?
« Il faut appeler le 115 pour signaler la présence de personnes en détresse dans la rue, cela peut permettre de sauver des vies », recommande Florent Vallée. « On vient aussi de mettre en place une adresse mail : [email protected] qui permet aux citoyens de signaler une personne en détresse », ajoute Eric Pliez.
« Nous n’avons jamais assez debénévoles », précise aussi Florent Vallée. Un appel à ceux qui pourraient donner de leur temps aux plus démunis.