Epidémie de grippe: Comment désengorger les urgences?
HOPITAUX•« Les hôpitaux aujourd’hui sont face à une situation de tension », a répété ce jeudi la ministre de la Santé…Delphine Bancaud
En attendant le pic de l’épidémie de grippe la semaine prochaine, les hôpitaux doivent faire face à un afflux de malades. En quatre semaines, 784.000 personnes ont consulté un médecin pour une grippe, d’après le réseau de surveillance Sentinelles-Inserm. Et depuis le 1er novembre, 52 personnes sont décédées en réanimation à l’hôpital, selon Santé publique France. La ministre avait évoqué mardi des services d’urgence « aux limites de leurs capacités », même si elle s’est voulue plus rassurante ce jeudi, en déclarant que la pression s’était « un peu relâchée ». 20 Minutes revient sur les solutions qui permettraient de désengorger les urgences.
1) Reporter des opérations non urgentes
C’est ce que Marisol Touraine a appelé les hôpitaux à faire mardi. Plusieurs hôpitaux ont déjà obtempéré a déclaré la ministre ce jeudi : « Plus d’une trentaine - en plus de ceux qui l’avaient déjà fait - ont d’ores et déjà déprogrammé des soins pour libérer des lits. » Reste que tous les hôpitaux ne jouent pas le jeu, sans doute parce qu’ils redoutent d’annoncer des reports d’opérations aux patients, qui sont généralement très mécontents dans ce cas-là. Mais aussi parce que certains actes sont financièrement importants pour les hôpitaux concernés.
2) Actionner le plan « Hôpital en tension »
« Cela fait trois semaines que l’épidémie est annoncée, la majorité des hôpitaux a donc pu s’organiser », constate Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), interrogé par 20 Minutes. La durée moyenne d’hospitalisation des malades de la grippe (70 % ont plus de 80 ans, selon Santé Publique France) étant d’une durée moyenne de 10 à 15 jours, 192 hôpitaux (sur les 850 de France) ont mis en œuvre le plan « Hôpital en tension » pour les accueillir dans les meilleures conditions. « Ce plan permet l’ouverture de lits supplémentaires, le dédoublement des chambres, le rappel du personnel en congé et la transformation des lits d’hospitalisation de jour en hospitalisation permanente », explique à 20 Minutes le Dr Olivier Veran, neurologue au CHU de Grenoble et auteur en 2016 d’un rapport sur le financement de l’hôpital.
3) Inciter les gens à ne pas se rendre aux urgences
« Le problème, c’est qu’aujourd’hui, trop de patients se rendent aux urgences alors que leur état ne le justifie pas », indique le Dr Olivier Veran. « C’est notamment le cas de ceux qui ont sollicité leur médecin traitant avant, qui a été trop débordé pour les recevoir. Ou ceux qui habitent dans desdéserts médicaux », explique Frédéric Valletoux. Seulement, certains d’entre eux auraient pu solliciter SOS médecins ou le 15 avant de se rendre à l’hôpital. « Il faut aussi travailler sur la réorientation de ces patients vers des centres de soins non programmés, qui ne sont pas des services d’urgences, mais des centres de consultations proposant un avis médical rapide aux personnes dont l’état de santé s’est dégradé. Il en existe déjà plusieurs en France », explique le Dr Olivier Veran.
4) Rappeler les bons gestes pour limiter la propagation du virus
« Pour éviter que l’épidémie ne s’étende encore et que les hôpitaux soient débordés, il est nécessaire de rappeler les gestes pour limiter la transmission du virus », explique le Dr Olivier Veran. C’est justement ce qu’a fait le ministère de la Santé ces derniers jours sur Twitter.
5) Actionner le « plan Blanc » si la situation s’aggrave vraiment
Celui-ci est un cran plus haut que le plan « Hôpital en tension ». Trois hôpitaux - Troyes (Aube), Firminy (Loire) et Lens (Pas-de-Calais) - l’ont déjà déclenché. Actionné au niveau de chaque hôpital, le plan Blanc permet de mobiliser et d’organiser immédiatement les moyens humains et matériels pour faire face à un afflux soudain de patients. Il permet de déprogrammer des activités non indispensables, d’ouvrir des lits supplémentaires, de renforcer ponctuellement les équipes de professionnels de santé dans les établissements en difficulté. Des sorties anticipées de patients sont organisées si nécessaires. La coordination entre les services d’urgence est aussi renforcée par ce biais.
6) Réfléchir à des mesures à plus long terme
« Si tout le monde était vacciné contre la grippe, le virus circulerait moins », estime le Dr Olivier Veran. Or « seuls 52 % des 65 ans et plus se sont fait vacciner contre la grippe saisonnière 2015-2016, bien loin de l’objectif de 75 % », souligne la Confédération des syndicats médicaux français dans un communiqué publié ce jeudi.
« Pour améliorer la couverture vaccinale contre la grippe en France, il faudrait aussi autoriser les pharmaciens à pratiquer des vaccins. Cela libérerait les cabinets de ville », estime aussi Frédéric Valletoux. « Par ailleurs, on s’aperçoit que le taux de vaccination contre le grippe des personnels hospitaliers et des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) est trop faible. Il faudrait sans doute faciliter leur vaccination », ajoute Frédéric Valletoux. Un avis partagé par le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch : « Le taux de vaccination du personnel de l’AP-HP est de 10 % chez les paramédicaux et de 25 % chez les médecins, a-t-il précisé ce jeudi. Si la vaccination obligatoire est décrétée, je l’appliquerai avec plaisir », a-t-il ajouté.