INTERVIEWOtages d'Arlit: «Le business des otages n'est pas un mythe»

Libération des otages d'Arlit: «Le business des otages n'est pas un mythe, c'est une réalité scandaleuse»

INTERVIEWL'un des acteurs de la libération des otages d'Arlit, au Niger, revient sur les négociations qui se sont tenues dans l'ombre, trois ans après...
Florence Floux

Propos recueillis par Florence Floux

Trois ans. , ex-colonel de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et membre du Bureau des légendes, a gardé le silence pendant trois ans, après au Niger, le 29 octobre 2013. S’il a décidé de le rompre dans son livre , c’est pour dénoncer « le business des otages », dont il affirme avoir fait l’expérience lors des négociations avec , l’un des chefs d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) tué en 2013. Il revient sur son histoire pour 20 Minutes.

Comment vous êtes-vous retrouvé mêlé à l’affaire des otages d’Arlit ?

Par hasard. En 2010, j’avais quitté la DGSE depuis deux ans et je travaillais sur le chantier de Sogea-Satom au Mali, pour assurer la partie sécurité en plein milieu de la zone d’action d’. Un jour, le directeur sûreté de Vinci m’appelle pour me dire qu’ils avaient eu la veille au soir un enlèvement sur une base d’ , au Niger, où travaillait Sogea-Satom comme sous-traitant. Il me demande si j’ai des infos. Je cherche autour de moi et dans les heures qui ont suivi, j’ai donné des informations capitales à Vinci, qui les a transmises à l’Etat, aux services de renseignement.

Que se passe-t-il alors ?

Au bout de 3 mois, toujours aucune nouvelle. Exaspéré par la situation, Vinci me demande si j’ai un conseil à leur donner, parce qu’ils connaissent mon passé. Je leur réponds que le plus simple, c’est de rencontrer Abou Zeid pour éliminer les intermédiaires véreux. Il faut que quelqu’un validé par Vinci prenne son courage à deux mains et aille au Nord-Mali. Ce qui ne s’est jamais produit. Jamais un Français, qui plus est un ancien officier des services secrets, ne s’est aventuré seul pour voir un chef terroriste et discuter avec lui des modalités de libération d’otages.

Comment se déroule la libération des premiers otages ?

Fin novembre, Vinci entend ma proposition. On s’entend sur les modalités. J’obtiens un rendez-vous avec Abou Zeid. Le 17 décembre, je suis devant lui, dans son repaire, avec deux Touaregs, totalement désarmé. Je reviens avec des éléments de négociation qui se précisent après d’autres rendez-vous. Une première libération d’otages est prévue en janvier 2011. Elle échoue à cause de l’irruption de réseaux concurrents. Je comprends que côté malien, il y a une obstruction claire. Je décide de jouer le plan B qui passe par le Niger. La libération des trois premiers otages dans le plus grand secret me prend plus d’un mois. Je ne les ramène pas à Bamako, mais à Niamey, qui en tire les bénéfices. Ce qui déclenche un tas de crises dans les réseaux adverses.

La situation a été de plus en plus compliquée après ça ?

J’ai dérangé des gens qui ne voulaient pas que je continue. J’ai été pris dans une embuscade en 2001 dans le nord de Gao, où j’aurais dû perdre la vie. Si je n’avais pas demandé à mon chauffeur de foncer sur les assaillants, je serais mort. Mais ce n’est pas le cas. Pendant la négociation, jusqu’en octobre 2013, j’ai donné la priorité à la libération des quatre derniers otages. J’ai pris des coups, je n’ai rien dit. On m’a demandé de rester discret, de ne pas apparaître aux cérémonies, à la première libération ou à la seconde. Il ne fallait jamais dire que j’avais libéré les otages. Je ne comprenais pas à l’époque. Aujourd’hui, je comprends.

Pour quoi vous battez-vous aujourd’hui ?

Pendant trois ans, j’ai mené mon enquête. Ce sont des gens qui ne plaisantent pas. Ils ont des moyens qui sont bien plus importants et dangereux que les miens. Dans cette affaire, des otages ont pâti. Tout cela a repoussé leur libération. Le business des otages n’est pas un mythe, c’est une réalité scandaleuse qui aurait dû perdurer si j’étais resté dans les sables de Gao. J’ai porté plainte. . Je suis prêt à entrer en contact avec n’importe quel juge et à lui donner des éléments. Je me bats aussi parce que les Touaregs qui m’accompagnaient à Gao, et à qui les otages doivent leur libération, ont comme moi convenu d’un engagement avec Areva et Vinci. Ces engagements-là ne sont pas tenus et c’est insupportable.