Attentats de janvier 2015: « Après la prise d'otage, j'avais envie de tout arrêter»
INTERVIEW•Michel Catalano inaugure ce jeudi en présence de François Hollande sa nouvelle imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), dans laquelle les frères Kouachi s'étaient retranchés en janvier 2015...Propos recueillis par Florence Floux
Vingt mois ont passé depuis la prise d’otages des frères Kouachi dans l’imprimerie de Michel Catalano, à , le 9 janvier 2015. Les deux terroristes de , traqués par les forces de l’ordre, y avaient trouvé refuge et pris en otage le patron de l’entreprise avant de le relâcher. Au terme de plusieurs heures de terreur pour se trouvant dans les locaux à l’insu des deux assaillants, le cauchemar avait finalement pris fin. lors d’une dernière fusillade qui avait occasionné beaucoup de dégâts matériels. Michel Catalano inaugure ce jeudi en présence de François Hollande son imprimerie, flambant neuve.
Vous aviez hésité à reprendre votre activité après la prise d’otage. Qu’est-ce qui vous a poussé à continuer finalement ?
Dans un premier temps, j’étais très traumatisé, j’avais envie de tout arrêter et de partir loin de l’endroit où tout s’était déroulé. Et puis je me suis dit que je n’avais pas envie d’abandonner quelque chose que j’aimais, alors j’ai décidé de continuer. J’ai réfléchi pour savoir si j’étais capable psychologiquement de rester sur les lieux. Lilian par exemple, n’a pas pu revenir, c’était trop douloureux. J’ai pensé que je pouvais rester au même endroit si je changeais la physionomie des locaux, pour que ça ne me rappelle pas le drame. J’ai repris un crédit pour réhabiliter l’imprimerie, qui était en partie détruite pour tout rénover, alors qu’avant tout ça j’avais pratiquement fini de payer mes dettes.
Pour vous, que représente la présence de François Hollande lors de cette inauguration ?
Ça me touche beaucoup. Nous sommes une petite PME d’une dizaine de personnes, c’est un événement exceptionnel. Le Président était déjà venu sur les lieux en février dernier. Il m’avait alors affirmé qu’il serait là pour l’inauguration. Il a souvent appelé pour prendre de nos nouvelles. Ce jeudi, il honore sa promesse pour soutenir les victimes d’un drame.
Vous avez reçu de nombreux soutiens ?
J’ai reçu du soutien financier de la part , et également des indemnisations des assurances. Ça m’a permis de réinjecter de l’argent dans les travaux et également dans les nouvelles machines, de renforcer l’équipe en embauchant. Au début, on nous a prêté des machines, ou bien on nous en a louées à des tarifs très arrangeants. Les banques se sont aussi montrées très accommodantes. Le soutien moral a également été énorme. Je reçois encore aujourd’hui des lettres. Cela m’a beaucoup aidé. Il y a des hauts et des bas, mais il y a quand même eu beaucoup de bas. Ça ne transparaît pas toujours quand je travaille, mais c’est dur psychologiquement. Chaque lettre, chaque petit mot me rebooste quand j’ai envie de tout lâcher.
Comment êtes-vous parvenu à gérer les choses pendant ces vingt mois ?
Je me suis fait aider psychologiquement pour comprendre un certain nombre de maux. J’ai pris du recul sur la vie en général, je relativise beaucoup en me recentrant sur les choses importantes. Et ce qui est important, c’est que je suis toujours vivant, et que ma famille est en vie. Mon fils travaille avec moi, ma femme aussi. Il y a un avenir pour moi aujourd’hui, c’est ce qui compte, je me bats pour ça.
Pour vous, cette inauguration, c’est un nouveau départ ?
Je le vois comme ça oui, parce que pour moi tout a changé. Les lieux ne sont plus les mêmes. J’ai essayé de faire de l’imprimerie un second chez-moi, avec des touches personnelles. Et je voulais que tout le monde s’y sente bien, comme à la maison, donc j’ai ajouté un terrain de boules, un flipper. Ça a été difficile jusqu’ici de tenir. On n’a jamais arrêté l’activité de l’imprimerie. Au début j’ai continué tout seul, sans machine et sans personnel, avec des externes. J’ai perdu beaucoup d’argent. Nous avons réintégré les nouveaux locaux en août, mais les commandes n’ont pas forcément été au rendez-vous. L’inauguration, c’est la fin de quelque chose. Après ça, j’espère que tout repartira et que nous reprendrons notre vie normale de simples citoyens.