Jeu My Million: Depuis 2014, 18 gagnants sont passés à côté du pactole
JEUX•Ce tirage organisé par la Française des Jeux a un taux de non-réclamation de gains plus élevé que le Loto et l'Euromillions...Laure Cometti
Laisser filer un million d’euros tombés du ciel, le scénario a de quoi donner des sueurs froides. C’est l’histoire vraie de 18 personnes ayant joué au jeu de la (FDJ) My Million. Leur ticket a été tiré au sort, mais ils ne l’ont jamais su (ou alors pas à temps) et ont laissé s’évaporer un million d’euros. Depuis le début de l’année 2016, cinq millionnaires virtuels ont ainsi perdu leur pactole, .
Jeu "My Million"
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Depuis le 4 février 2014, le tirage My Million a lieu deux fois par semaine, le mardi et le vendredi. Moins connu que la loterie européenne de l’ ce jeu fonctionne comme une tombola : un code, automatiquement généré pour chaque grille Euromillions, est imprimé sur chaque ticket. L’heureux gagnant d’un million d’euros est désigné par tirage au sort, diffusé sur la chaîne de télévision TF1. Le résultat est aussi publié sur Internet et dans tous les points de vente, un vérificateur de reçu permet de scanner son ticket dès le lendemain du tirage pour savoir si l’on a gagné.
Près de 5 % des gagnants n’ont pas réclamé pas leur million
Depuis son lancement, 394 tirages ont été effectués, avec un taux de non-réclamation de gain de 4,6 %. « Ce n’est jamais arrivé dans l’histoire de l’Euromillions qu’un gagnant ne réclame pas son gain. Et ce pourcentage est plus élevé que celui du Loto, autour de 2 % », observe Vincent Mongaillard, journaliste au Parisien et spécialiste des jeux de hasard*. « Les lots non réclamés proviennent surtout de la première année de mise en place de My Million, depuis c’est plus rare et on est à un niveau “habituel” », affirme pourtant la FDJ, détenue à 72 % par l’Etat.
Alors que l’Euromillions existe depuis 2004, le jeu My Million pâtit peut-être d’un manque de notoriété. « Les joueurs vérifient les résultats Euromillions, mais ils ne pensent pas à contrôler le tirage My Million, le code est écrit en bas du ticket », souffle Hida, gérante du bar Le Parisien à Brides-les-Bains (Savoie), où un ticket gagnant a été vendu en juin. Son propriétaire ne s’est pas signalé et le délai de forclusion a expiré le 9 août dernier.
Avis de recherche et fouille de poubelles
avait pourtant fait grand bruit dans ce village de 600 habitants. Une semaine avant l’expiration du ticket, la FDJ a pour habitude de communiquer, exceptionnellement, l’adresse du point de vente concerné. Ces informations sont envoyées « à l’ensemble des rédactions locales [de journaux] environ une semaine avant la forclusion du gain », indique l’opérateur. « En février 2016, un gagnant dans les Pyrénées-Orientales avait consulté sa page Facebook, où l’information relayée par les médias locaux lui était parvenue sur son fil d’actualité », souligne la FDJ. Mais cela ne marche pas à tous les coups.
A Loudun, dans la Vienne, un gain My Million a également expiré le 9 août. « Les miseurs ont fouillé les poubelles, cherché dans les moindres recoins… mais rien. On l’a eu dans les mains, ce ticket, ça fait bizarre quand on y pense », se souvient Marie-Hélène, gérante du Modern Bar. Certains de ses clients avaient jeté leur ticket sans vérifier le code My Million. « Ils ne pensaient pas qu’il pouvait leur faire gagner un million. Maintenant ils savent, c’est un mal pour un bien », philosophe-t-elle. La nouvelle a temporairement fait gonfler le chiffre d’affaires du bar, qu’un habitué a suggéré de rebaptiser « le bar de la chance », sourit la patronne. « Il faut dire que du temps des anciens gérants, un joueur avait déjà gagné 100 000 euros », précise-t-elle.
Joueurs occasionnels, touristes…
Ces joueurs passés à côté du million sont-ils distraits, ignorants des règles du jeu, désorganisés ? Ce sont « peut-être des joueurs occasionnels qui auraient oublié de vérifier leurs tickets, ou des touristes de passage en France », avance la FDJ. Les deux tickets qui ont expiré le 9 août avaient été achetés lors d’une semaine « My Million » spéciale pour le début de l’Euro de football.
Vincent Mongaillard penche plutôt pour le profil des « joueurs irréguliers, qui participent pour de gros jackpots, mais ne sont pas de fins connaisseurs du jeu. Ils ignorent qu’il y a un tirage complémentaire, pourtant ils le paient ». Le prix de la grille Euromillions est en effet passé de 2 euros à 2,50 euros au lancement de My Million.
Faudrait-il rallonger le délai de forclusion, de 60 jours ? « Il est plus long dans d’autres pays, comme aux Etats-Unis », compare Vincent Mongaillard. Cela n’aurait pas d’impact si certains joueurs jettent leur ticket sans songer à vérifier le code My Million. « Il faut peut-être refaire une campagne de pub », poursuit le journaliste.
« Il est vrai que le joueur est tellement focalisé sur le tirage principal [l’Euromillions] que l’on peut imaginer qu’il en oublie de vérifier son tirage secondaire », explique Jérémy, le fondateur et gestionnaire du Groupement Euromillions, un club de joeurs. Un oubli qui peut s’expliquer par l’absence de mise en scène du tirage. « Contrairement au tirage de l’Euromillions ou du Loto ou l’on voit la fameuse roue transparente tourner avec les numéros qui sortent un par un, le jeu My million ne possède pas ce visuel. Or le joueur est très attaché à ce côté « mise en scène » et la présentation du code gagnant, « à la fin du tirage, un peu à la va vite » contribue à ce que « le joueur y prête moins d’attention ».
« Ça fait cauchemarder »
« Ne jetez surtout pas votre reçu Euromillions, il peut valoir de l’or », a d’ailleurs insisté mardi Jean-Pierre Foucault lors du tirage diffusé sur TF1, avant d’annoncer le code gagnant My Million. Un conseil qui agace les aficionados du jeu. « Il est impensable d’imaginer d’oublier de vérifier ou de perdre un ticket. Pour un joueur averti, le jackpot c’est le Saint-Graal, c’est l’unique but à atteindre », s’emporte Jérémy, fondateur du groupement de joueurs Euromillions. Les cas de gagnants aux abonnés absents suscitent « l’incompréhension et une pointe de colère » parmi les joueurs.
« C’est vraiment aberrant, ça fait cauchemarder », abonde Vincent Mongaillard. « Mais l’histoire n’est pas totalement cruelle, puisque jusqu’à présent aucun des gagnants ayant laissé expirer son ticket ne s’est fait connaître. Peut-être ne l’apprennent-ils jamais, et n’ont pas de regrets. En revanche, s’en mordent les doigts ». Le cauchemar des uns fera toutefois le bonheur des autres : tous les gains non réclamés sont remis en jeu lors de cagnottes spéciales.
* Les millionnaires du loto, 49 histoires de sacrés veinards ! Ed. de l’Opportun.