Scolarisation des élèves handicapés: Quel est le bilan du quinquennat Hollande?
EDUCATION•Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a augmenté de 24 % entre 2012 et 2015, mais des progrès restent à accomplir dans de nombreux domaines…Delphine Bancaud
La semaine dernière, près de 280.000 enfants handicapés ont fait leur rentrée scolaire. Un chiffre incomparablement plus élevé qu’avant la loi handicap de 2005. Lors du quinquennat de François Hollande, l’école est devenue plus inclusive grâce à plusieurs avancées. Mais le tableau est encore largement perfectible. 20 minutes fait le point.
Des progrès quantitatifs indéniables
« Historiquement, les élèves handicapés étaient cantonnés dans des centres médico-sociaux fermés. Mais en dix ans, grâce à une politique volontariste, le nombre d’élèves handicapés accueilli en milieu ordinaire a doublé (77 % l’ont été à la rentrée 2014) », a souligné en février Nathalie Mons, la présidente du (Cnesco).
Plusieurs chiffres témoignent en effet, des avancées dans ce domaine. Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a ainsi progressé de 24 % entre 2012 et 2015.
Et alors que les élèves handicapés ont tendance à arrêter leur scolarité précocement, depuis 2012, le nombre de ceux qui ont poursuivi leur cursus dans le secondaire a augmenté de 33 %, a souligné Najat Vallaud-Belkacem, lors de sa conférence de presse de rentrée.
Les élèves handicapés encore quatre fois moins au lycée qu’au collège
« Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le droit à l’école s’est affirmé depuis 2012, poursuivant un mouvement lancé depuis 10 ans », commente Sophie Cluzel, présidente de la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap (). Reste que ces progrès dans la scolarisation des élèves handicapés se sont concrétisés en primaire, au début du collège, mais très peu en lycée.
« Les élèves handicapés sont quatre fois moins au lycée qu’au collège », . « Cela est notamment dû à la faiblesse de qualification des auxiliaires de vie scolaire (AVS), qui ont généralement un niveau CAP et ne peuvent donc pas accompagner les lycéens », ajoute Sophie Cluzel.
L’orientation des élèves handicapés est également encore trop sélective. « Une grande partie d’entre eux sont orientés en CAP et en Bac pro », a indiqué en février Philippe Van Den Herreweghe, délégué ministériel à l’emploi et à l’intégration des personnes handicapées.
La professionnalisation des accompagnants
Lors de la 4e Conférence nationale du handicap en mai, François Hollande a annoncé la transformation, sur cinq ans, des contrats aidés d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) -aujourd’hui limités dans le temps et précaires - en « contrats d’accompagnants des élèves en situation de handicap » (AESH). Grâce à ce statut, ils (CDI) après six années d’ancienneté.
« Concrètement, cela signifie la création de 32.000 accompagnants supplémentaires sur les cinq prochaines années, dont plus de 6.000 dès la rentrée 2016 », a-précisé le chef de l’Etat. A terme, ce seront 50.000 professionnels (en équivalents temps-plein) qui seront disponibles. Un système qui devrait permettre de limiter les ruptures d’accompagnement en cours d’année.
Une avancée qui ne résout pas tout. Car selon le SNUipp, le CDI proposé aux « reste cependant encore très éloigné du cadre général de la fonction publique. Il n’est accessible qu’après six années effectuées dans le domaine de l’accompagnement des personnes en situation de handicap et les conditions d’embauche, pour la plupart à temps partiel, ne permettent pas une rémunération décente (de 650 à 890 euros mensuels en moyenne) », explique le syndicat dans un communiqué.
« Il n’est pas possible que la mission des AESH s’arrête aux portes de la classe. Les enfants ont besoin d’être accompagnés sur le temps du midi, à la cantine, lors des activités périscolaires ou au cours de leur vie extrascolaire », ajoute le SNuipp. De son côté Sophie Cluzel estime que la professionnalisation des accompagnants n’a pas non plus réglé leur déficit sur le terrain. « C’est toujours aussi galère pour les familles d’en obtenir un », affirme-t-elle. Même son de cloche chez Jean-Luc Duval, président Collectif citoyen handicap: «Cette rentrée est catastrophique pour des milliers d'enfants handicapés qui n'ont pas d'AVS car les budgets alloués à l'accompagnement sont déjà épuisés. Certains parents sont donc obligés d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants», s'insurge-t-il.
Davantage de places dans les établissements médico-sociaux
Le gouvernement s’est attaqué aussi à l’augmentation du nombre de places dans les établissements et services médico-sociaux, cruellement insuffisantes dans certaines régions ou pour certains handicaps. Une enveloppe de 180 millions d’euros sur 5 ans va être mobilisée : « Cette stratégie s’appuiera sur un abondement exceptionnel du plan d’aide à l’investissement de 60 millions d’euros », a précisé François Hollande en mai.
Un plan sur le long terme qui ne résout pas les difficultés actuelles, selon Sophie Cluzel : « encore beaucoup trop d’enfants se trouvent et le flux de ceux qui partent notamment en Belgique dans des établissements spécialisés ne s’est pas tari », constate-t-elle. Une réalité dont atteste aussi Jean-Luc Duval: «en Italie, 100% des enfants handicapés sont scolarisés. On en est très loin en France», souligne-t-il.
La création d’unités d’enseignements pour les enfants autistes, véritable avancée
Depuis la rentrée 2014, des unités d’enseignement pour les élèves présentant des troubles du spectre autistique ont été ouvertes au sein des écoles maternelles (UEM). L’ouverture de 50 UEM est prévue à cette rentrée. Au total, entre 2013 et 2017, ce sont 110 UEM qui auront ouvert. Encore trop peu selon les associations. « Car chaque UEM n’accueille entre 5 et 7 élèves », souligne Sophie Cluzel.
La formation des enseignants aux handicaps toujours à la traîne
« Les modules sur la prise en charge des élèves handicapés ne sont pas encore proposés dans tous les [École supérieure du professorat et de l’éducation] », souligne Sophie Cluzel. Du coup, dans les établissements, les enseignants pour accueillir au mieux les élèves handicapés.
« Je me suis débrouillé, j’ai cherché, sur le Web, dans les livres, en observant, en travaillant encore et encore, je m’en suis tiré comme j’ai pu, mais pas toujours, j’ai parfois échoué et cela m’a hanté durant des jours », témoigne ainsi Lucien Marboeuf, un professeur des écoles .
L’accessibilité des établissements n’est pas encore optimale
« Un quart des écoles construites depuis 2008 ne respectent pas les règles d’accessibilité en vigueur. Et on ne parle pas des établissements plus anciens… », souligne Nathalie Mons. qui auront du mal à être rattrapés d’ici la fin du quinquennat.