TEMOIGNAGE«J’ai acheté un burkini pour pouvoir nager avec ma petite fille»

«J’ai acheté un burkini pour pouvoir nager avec ma petite fille de deux ans»

TEMOIGNAGEMaman de trois enfants, Sarah a acheté, cet été, un burkini quelques jours avant que la polémique n’éclate en France…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

C’est dans le taxi qui la ramenait de l’aéroport, fin juillet, que Sarah* a pris conscience de la polémique en France. « Le chauffeur a mis la radio. Et on a tout de suite compris… », indique cette maman de 36 ans. En vacances à Casablanca (Maroc) avec ses trois enfants et son mari, Sarah avait justement acheté, quelques jours auparavant, son premier burkini.

« Ma petite dernière a 2 ans. Elle refusait d’aller dans l’eau avec son père ou son frère et me réclamait sans cesse, raconte cette Nordiste. Un jour, dans la rue, j’ai vu une boutique qui vendait des burkinis. Je me suis dit que ce serait une bonne idée pour que je lui apprenne à nager et que je m’amuse avec elle dans l’eau… »

Au Maroc, des burkinis, des bikinis et même des nudistes

Son mari l’a-t-elle poussé à l’acheter ? « Pas du tout, il n’était même pas au courant, explique-t-elle encore. J’ai commencé à porter le voile vers 19 ou 20 ans. Donc bien avant de le connaître. Ma religion, c’est mon choix. Même si, ensuite, on en a évidemment parlé ensemble. »

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Et ils étaient tous les deux du même avis : de l’autre côté de la Méditerranée, ce maillot de bain qui ne laisse apparaître que le visage, les mains et les pieds ne pose aucun problème. « Au Maroc, sur la plage, il y a des femmes en bikini, des femmes en burkini et même des femmes nudistes à Agadir. Et personne ne s’insurge », poursuit celle qui vient de boucler une formation en informatique.

« J’ai opté pour un modèle rose »

Coquette et soucieuse de bien s’habiller, cette musulmane qui « adore » la marque Zadig & Voltaire a pris le temps avant de choisir son modèle. « Il n’y avait pas beaucoup de choix. Je ne voulais pas de burkini noir parce que j’aurais eu trop chaud. Je voulais en choisir un vert d’eau mais il n’y avait plus ma taille. Alors, j’ai opté pour un modèle rose. Mais pas rose bonbon ! »

Et cette musulmane qui a débuté son « enseignement spirituel » il y a quinze ans n’a pas regretté. Alors qu’elle restait, les années précédentes, sur la plage « en jean et en voile », Sarah a pu, cette fois, aller à l’eau. « J’ai pu me baigner avec mes enfants. Ils étaient tellement heureux… Très rapidement, j’ai dit à mon mari qu’on irait à la plage en France à notre retour… »

« Cela nourrit le racisme au lieu de le combattre »

Mais depuis, six maires français ont rédigé des arrêtés interdisant le port de ce vêtement sur le sable de leur commune. Sans parler de la violente altercation, en Corse le week-end dernier, dont le burkini semble être la cause. « Du coup, maintenant, on hésite. Je n’ai pas envie de heurter le regard des gens. Je ne fais de mal à personne mais vu le contexte… »

Un contexte que la jeune femme ne comprend justement pas. « J’ai du mal à croire que le burkini soit le problème le plus important en France. Les médias et les hommes politiques instrumentalisent la femme musulmane. Et cela nourrit le racisme et le communautarisme au lieu de le combattre… »

Si elle a accepté d’ôter son voile pour suivre sa formation – un « sacrifice » – Sarah considère la plage comme un espace public où chacun doit pouvoir s’habiller comme il le souhaite, à condition de respecter les conditions d’hygiène et de sécurité. « Dois-je priver mes enfants du bonheur de nager dans la mer avec eux pour ne pas heurter la sensibilité des gens ? Vous ne croyez pas qu’ils devraient aussi me respecter comme je suis ? »

*Le prénom a été changé