Attentat dans une église près de Rouen: «Il est temps que le gouvernement sorte de sa tour d’ivoire»
ENTRETIEN•Président de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats en France, le député (Les Républicains) Georges Fenech réagit à la prise d’otages de ce mardi à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime)…Propos recueillis par Vincent Vanthighem
Les mêmes images d’horreur. Georges Fenech n’en peut plus. Président de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats en France, le député (Les Républicains) du Rhône estime qu’il y a un vrai risque que la France tombe « dans le piège de la guerre civile » voulue par Daesh.
Comme il l’avait déjà fait après l’attentat de Nice, le député exhorte le gouvernement à prendre de nouvelles mesures pour lutter contre la menace terroriste. Au risque d’écorner l’unité nationale qu’il appelle pourtant de ses vœux. Il s’en explique auprès de 20 Minutes.
L’attentat commis, ce mardi, dans une église normande est-il différent des précédents en France ?
Les terroristes s’en sont pris, cette fois, à l’identité même de la France. L’attaque de Charlie-Hebdo visait la liberté d’expression ; l’Hyper Cacher visait la communauté juive ; le Bataclan visait la jeunesse… Cette fois, Daesh s’attaque à la communauté catholique, aux racines chrétiennes de la France.
Sur Twitter, vous alertez sur « le risque d’une guerre civile ». Pourquoi ?
C’est le piège voulu par Daesh. Qu’il y ait un amalgame entre les communautés catholiques et musulmanes. Attention ! Cela pourrait conduire à une confrontation violente entre les deux communautés. C’est, du reste, là-dessus que nous alertent plusieurs sources bien informées.
Vous demandez l’unité nationale. Mais c’est aussi ce que réclame le gouvernement ?
Oui, mais cela doit fonctionner dans les deux sens. Nous n’avons cessé de soutenir le gouvernement dans sa lutte contre le terrorisme. Mais le gouvernement doit aussi nous écouter. Il est temps qu’il sorte de sa tour d’ivoire. Je l’ai dit, alors je le redis : je suis à la disposition du Premier ministre pour discuter de nouvelles mesures.
Vous parlez des 40 propositions que vous avez formulées dans votre rapport avec le socialiste Sébastien Pietrasanta ?
Oui. Nous avons formulé 40 propositions. Seul Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la Justice, nous a reçus. On doit refaire un bilan fin août. Je n’ai pas été reçu par le Premier ministre. Quant à Bernard Cazeneuve, il nous a invités à prendre un café pour dire que nos propositions étaient déjà en place pour certaines et irréalisables pour d’autres. Ce n’est pas acceptable…
Nous avons soutenu le gouvernement. Nous étions d’accord sur la déchéance de nationalité. Nous avons voté quatre fois l’état d’urgence. Il est plus que temps que le gouvernement nous entende aussi. Il doit sortir de son judiciarisme, de son pointillisme juridique.
Que réclamez-vous concrètement ?
L’attentat a eu lieu ce mardi matin et l’on sait déjà que l’un des auteurs était connu des services antiterroristes et libre sous bracelet électronique. Il devait être enfermé. On ne peut pas laisser des personnes comme cela dans la nature.
Un certain nombre de personnes fichées S - le haut du spectre - sont dangereuses. On le sait. Les frères Kouachi, Samy Amimour, Ismaël Mostefaï [terroristes ayant passé à l’action lors de l’attaque de Charlie-Hebdo ou du Bataclan] faisaient tous partie du haut de ce spectre. Ces gens-là doivent être retenus dans des centres et faire l’objet d’une déradicalisation contrainte. On nous parle de l’ouverture d’un centre à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire) qui va accueillir des jeunes sur la base du volontariat. Ce n’est pas ça la solution.
aN’est-ce pas paradoxal de réclamer l’unité nationale et en même temps de critiquer l’action du gouvernement comme l’a fait Christian Estrosi pour l’attentat de Nice ?
Tous mes amis Républicains passent au-dessus des polémiques. Nous venons avec des propositions et non pas de simples critiques.Sur Nice, la justice est saisie. On verra bien ce qu’elle dira.