Attentats de Nice: «Toutes les personnes impliquées sont très difficiles à prendre en charge»
REPORTAGE•L’hôpital Pasteur a reçu de nombreux blessés et accueille aussi des familles de victimes de l’attentat, parfois toujours à la recherche de proches…A.R.
De notre envoyée spéciale
Un hurlement pour seule réponse. Un silence. Puis un autre. Merji, Niçois de 39 ans, cherchait son fils depuis deux jours. « J’ai appelé partout, les commissariats, les hôpitaux, j’ai mis des appels sur Facebook », raconte-t-il.
Killian avait quatre ans, et son père vient d’apprendre sa mort à l’hôpital Pasteur. Jeudi soir, l’enfant était avec sa mère sur la Promenade des Anglais au moment de l’attaque mortelle. Quelques minutes après l’attentat, Merji a retrouvé son épouse au sol. « Elle est décédée sans que je puisse lui parler », confie-t-il à Nice Matin. Son fils, lui, avait disparu.
Et aujourd’hui, sur le parvis de l’hôpital, les bras levés vers le ciel, ses jambes ne le portent plus. Il ne peut plus parler, il ne peut plus marcher. Il peut seulement hurler.
Des familles recherchent leurs proches
« Toutes les personnes impliquées à tous les stades sont très difficiles à prendre en charge », souligne Jérémy Crinchant, cadre opérationnel à la protection civile des Alpes-Maritimes Il coordonne la cellule d’assistance psychologique pour les personnes « touchés moralement ».
Car parfois, la violence morale passe par une attente insupportable. Djamel a parcouru tous les hôpitaux, avis de recherche en main, pour retrouver sa belle-sœur. « Elle était sur la promenade jeudi, souligne le jeune homme. Elle avait un tee-shirt blanc à fleurs. On la cherche partout », raconte-t-il. A ses côtés, la sœur de la disparue n’arrive plus à parler.
« Ici, on a la chance d’avoir les secouristes formés à tout ce qui est psychosociologique, des psychologues, des médecins, des aides soignants, souligne aussi Jérémy Crinchant. L’équipe médicale sait immédiatement identifier la gravité des situations, explique-t-il.
Elle oriente au mieux les personnes, soit vers un médecin pour un traitement, pour une hospitalisation, soit pour des choses plus simples, par exemple de l’écoute. C’est toute la difficulté car les cas sont très variés. Il y avait entre 50.000 et 100.000 personnes sur la promenade des Anglais jeudi. On a seulement reçu 250 personnes ».
« C’est au-delà de tout ce que l’on peut imaginer, c’est indescriptible »
Comme Inès, 21 ans, venue courageusement à la cellule « pour parler ». « J’ai vu le camion arriver, j’ai fait un pas en arrière et je l’ai regardé passer et finir sa course, raconte-t-elle les yeux pleins de larmes. Je n’ai pas compris ce qu’il se passait. C’est au-delà de tout ce que l’on peut imaginer, c’est indescriptible. Aujourd’hui, je pleure par respect pour nos morts mais on retrouvera le sourire pour ne pas leur donner ce qu’ils veulent. On va continuer à vivre comme on veut ».
Et puis, il y a toujours les personnes blessées. L’hôpital en a reçu 107. Comme cet homme, admis jeudi soir.
Samedi après-midi, il sort lentement des urgences, en boitant. Il s’arrête, et pleure longtemps dans son bras replié sur ses yeux. Puis, il reprend sa marche. Un regard vers la rue animée, il essuie toujours des larmes. Hébété, comme surpris que la vie continue. Peut-être aussi surpris d’être encore là.