SECURITELes autorités françaises sont-elles à la hauteur de la menace hooligan?

Euro 2016: Les autorités françaises sont-elles à la hauteur de la menace hooligan?

SECURITELa question se pose, après les violents affrontements qui ont fait 35 blessés à Marseille ce week-end…
Florence Floux

Florence Floux

Seulement quelques jours de compétition et déjà un homme dans un état critique. Les violents affrontements qui se sont déroulés samedi à Marseille (Bouches-du-Rhône) en marge de la rencontre jugée à risque Angleterre-Russieont fait 35 blessés. Bagarres de rue, centre-ville saccagé, personnes en sang… Les scènes, largement partagées sur les réseaux sociaux, n’ont pu que frapper d’effroi tous ceux qui les ont visionnées. « Nous avons été complètement débordés par ces hooligans », a d’ailleurs avoué Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, ce lundi. Bernard Cazeneuve, lui, dénonce une « polémique injuste ». Alors, la lutte contre le hooliganisme est-elle bien assurée ? 20 Minutes fait le point sur la situation.

Comment s’organise la lutte contre le hooliganisme pendant l’Euro ?

Elle est gérée depuis le Centre de coopération policière internationale (CCPI), basé en Seine-et-Marne, où se trouvent réunis deux officiers de liaison par pays participant à l’Euro ainsi que des représentants de la gendarmerie, d’Interpol et d’Europol. Les deux officiers de liaison (français, anglais, belges, anglais…) sont en lien constant avec six autres policiers de leur nationalité, appelés spotters, qui « sont chargés d’accompagner les supporters de leur pays, et d’aider les autorités locales à repérer ceux qui pourraient commettre des troubles à l’ordre public », explique Antoine Boutonnet, directeur de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH). Les spotters de chaque pays sont accompagnés pendant leurs patrouilles de policiers locaux.

Qui sont les spotters ?

Les spotters sont des policiers qui doivent avant tout être physionomistes, pour retenir parfaitement les visages de supporters croisés. Ils doivent également pouvoir s’adapter aux situations le plus rapidement possible et avoir une très bonne connaissance des us et coutumes de leurs supporters : « Il faut parfaitement connaître la sociologie de ses supporters et pouvoir anticiper par rapport à des amorces de réactions : certains supporters aiment faire des fan-walks, d’autres se regroupent sur des places ou bien dans des bars, mais pas n’importe lesquels », détaille Antoine Boutonnet.

Sont-ils bien préparés ?

Leur formation varie selon les pays. En France par exemple, il n’existe pas de formation spécifique à cette mission, elle se fait sur le terrain avec les collègues et il faut compter environ un an pour avoir une bonne connaissance des supporters de l’équipe dont on a la charge. Les spotters suivent toute l’année les supporters de la même équipe de championnat. C’est ainsi qu’ils acquièrent les connaissances nécessaires : habits, tatouages, chants… Dans d’autres pays, comme la Hongrie par exemple, les spotters sont des policiers qui gèrent à la fois les manifestations de toutes sortes ainsi que les événements sportifs.

La coopération internationale fonctionne-t-elle bien ?

Force est de constater qu’elle semble ne pas avoir fonctionné avec la Russie. Patrick Kanner, le ministre des Sports a d’ailleurs déploré ce lundi l'« absence de coopération » de la Russie, qui n’aurait « jamais dû laisser passer » les hooligans impliqués dans les violences à Marseille. « Il y a 150 à 200 hooligans russes qui doivent être mis hors d’état de nuire », a-t-il ajouté, indiquant également que « les Russes doivent réagir ». D’autres pays comme l’Angleterre, ont confisqué les passeports de certains hooligans pendant toute la durée de l’Euro, les empêchant ainsi de passer les frontières. « Les spotters russes ont-ils fait leur travail à Marseille ? Leur travail, c’est de dire 'Attention, ces supporters sont susceptibles de devenir violents'. Il y a sans doute eu une faille en termes de coopération internationale entre les Russes et les Français », note Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste du hooliganisme.

La France est-elle entraînée à ce genre de troubles ?

« Le hooliganisme est un phénomène relativement limité en France, sauf à Paris, indique Nicolas Hourcade. La particularité française, c’est que les policiers vont plutôt au contact des supporters et n’ont pas suffisamment d’expérience pour faire le tri. C’est la principale critique des fans anglais sur les incidents de samedi entre Anglais et Russes. Les policiers sont parfois intervenus quand cela n’était pas nécessaire, et ils n’étaient pas toujours là lorsqu’il l’aurait fallu. » D’autant que les policiers français ont pu tomber dans le « piège russe » : « Les hooligans russes sont des professionnels de la violence. Ils sont plus discrets que les supporters anglais qui attirent beaucoup l’attention. D’ailleurs, aucun Russe n’est en garde à vue. » De même, le chiffre de six spotters censés suivre les supporters sur le terrain peut paraître trop faible pour les Russes par exemple. Sur le Mondial 2006, « en Allemagne, les policiers polonais étaient 76 et les policiers anglais 72, constate Nicolas Hourcade. On pourrait convier davantage de policiers étrangers des pays les plus à risque, dont les groupes dangereux sont bien identifiés. »

Quelles mesures ont été prises depuis Angleterre-Russie ?

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a demandé dès dimanche aux préfets d’interdire la consommation et le transport d’alcool dans les « périmètres sensibles » les veilles et jours de match, ainsi que les jours d’ouverture des fan-zones. Plusieurs villes hôtes ont déjà fait part de la mise en place de la mesure, comme Lyon ou Toulouse. Le préfet de police des Bouches-du-Rhône a effectivement expliqué ce lundi qu'« iI y a eu beaucoup d’alcoolisation samedi, et on pense que les incidents sont aussi beaucoup dus à l’alcoolisation massive qu’il y a eu ». De son côté, l’UEFA a menacé la Russie et l’Angleterre de disqualification en cas de nouveaux débordements. « Cette annonce a l’avantage de mettre la pression sur la Russie et peut l’obliger à coopérer davantage », estime Nicolas Hourcade.