FOOTBALLL'Euro 2016 peut-il redonner le goût de la fête aux Français?

Euro 2016: Et si une victoire des Bleus redonnait le sourire à la France

FOOTBALLLa morosité ambiante peut-elle être noyée dans le football ?...
Audrey Chauvet

Audrey Chauvet

Carton rouge à la morosité : alors que les grèves dans les transports perdurent, que le nord du pays sort à peine les pieds de l’eau, que la menace terroriste n’a jamais été aussi prégnante, les Français ont-ils vraiment la tête à faire la fête ? Ce vendredi soir, pour le match d’ouverture de l’Euro, les fan zones seront sans doute pleines à craquer et les supporters devant leur écran pour soutenir leur équipe nationale. Mais les bières et les buts suffiront-ils à faire oublier tout le reste ?

Fin de la grève au coup d’envoi ?

« Je ne suis pas sûr que bloquer les supporters soit la meilleure image que l’on puisse donner de la CGT » : les propos du leader du syndicat Philippe Martinez traduisent bien le changement de braquet qui pourrait survenir dans les prochains jours. Après des semaines de contestation sociale, les mouvements de grève peuvent-ils s’arrêter au coup d’envoi ? « Pas aussi radicalement que dans d’autres pays où les grèves auraient été suspendues, mais il est certain que si ce vendredi la France gagne, il va y avoir des gens dans les AG qui vont dire qu’ils ont envie que ça se passe bien », estime Jean Viard, directeur de recherches au CEVIPOF, centre de recherches politiques de Sciences Po.

Ce contexte social tendu n’est pas une première : « En 1984, le jour de l’ouverture de la compétition en France, il y avait eu une manifestation de 850.000 personnes dans les rues de Paris, rappelle Jean Viard. On pensait que l’ambiance de la compétition ne prendrait pas, et pourtant ça a très bien marché. » Il faut dire qu’en 1984, la France s’était offert le luxe de gagner tous ses matchs et avait emporté la victoire en finale. « Ce n’est pas la première fois qu’on a des ambiances aussi tendues avant une compétition mais on constate que la dynamique de la fête dépend des résultats de l’équipe de France : il faudrait gagner au moins jusqu’en demi-finale », estime Jean Viard.

Shoot d’émotions positives

La menace d’attentats est bien sûre présente dans les esprits. Mais il y a eu aussi les propos de Benzema et la polémique qui s’en est suivie, le contexte économique, les récentes inondations qui ont marqué une partie de la France… Toutes ces émotions négatives vont être compensées par les émotions positives que la compétition va procurer à ceux qui aiment le football : « L’Euro va nous donner deux bonnes leçons, estime le Pr Michel Lejoyeux, professeur en psychiatrie. Tout d’abord, l’Euro nous rappelle que l’activité physique, regardée ou de préférence pratiquée, est le meilleur antidépresseur naturel. Ensuite, sachant que le volume d’émotions que le psychisme peut garder en stock est limité, une série d’émotions positive va reléguer les négatives dans un coin de notre cerveau. » Adieu, le blues, le stress, le moral dans les chaussettes : enfiler les crampons ou crier de joie devant un but nous aide à aller mieux. « N’oublions pas que les Français ne sont pas tous malades ou déprimés, nous sommes quand même en majorité bien portants même si nous sommes bousculés par les événements », ajoute le psychiatre.

Rien de durable à espérer pour le gouvernement

Si chacun va un peu mieux, la société tout entière peut-elle s’en trouver plus unie ? « On va redécouvrir l’interaction sociale, les matchs seront souvent regardés entre amis ou dans un lieu public, donc on va bénéficier des bienfaits du groupe », note le psychiatre. « Le sport nous rappelle aussi qu’il y a des règles à respecter et cela permet de les réhabiliter dans la société », observe Jean Viard.

L’Euro aurait-il aussi le pouvoir de sortir le gouvernement du gouffre d’impopularité dans lequel il est tombé ? En 1998, la cote du président Chirac avait grimpé de un et deux et trois… et plus de points. « Il va y avoir cette fête, ensuite l’été, donc c’est plutôt favorable pour faire oublier les questions économiques aux Français. Mais s’il y a un regain de popularité pour le gouvernement, ce ne sera que par un effet de solidarité, comme après les attentats, et très éphémère », note Jean Viard.