REPORTAGE«Si Benzema n'est pas pris, c’est plus lié à sa vie privée qu’au racisme!»

Propos de Benzema: « S’il n’est pas pris, c’est plus lié à sa vie privée qu’au racisme ! »

REPORTAGEDans le 14e arrondissement, parmi les entraîneurs, joueurs et responsables du Paris Alesia F.C, rares sont ceux qui partagent le point de vue de Karim Benzema...
Hélène Sergent

H.S.

Au téléphone déjà, Jacques Lavigne, président du club Paris Alesia F.C semblait remonté : « L’interview de Benzema ? C’est scandaleux ! » Au lendemain de la publication de l’entretien de l’attaquant du Real Madrid dans le quotidien Marca, la planète foot et une partie de la classe politique oscille entre gêne palpable et soutiens engagés. En cause, la justification avancée par le footballeur sur son absence en équipe de France pour l’Euro 2016: Didier Deschamps aurait « cédé à la pression d’une partie raciste de la France ». Ce racisme, diffus ou vivace, est-il sujet à discussion dans les clubs amateurs et locaux ?

Des cadres définis

« Oui le racisme, ça existe à notre échelle, bien sûr, faut pas le nier », assure Jacques Lavigne, ancien gardien de but du club centenaire installé à la lisière de Montrouge et récemment labélisé filleul du PSG, « Mais en équipe de France ? Didier Deschamps ne sélectionne pas en fonction de la tête du client ! » Autour des pelouses du stade Elisabeth où s’entraînent les 6-13 ans ce mercredi après-midi, la mixité est omniprésente, de la buvette aux gradins. « Tout le monde se mélange ici, c’est un club familial. Sur le terrain, les enfants ont interdiction de parler de religion par exemple. Les propos de Benzema divisent, attisent la haine et cassent le boulot des coachs parce qu’évidemment, les petits regardent et écoutent ce que font et disent les joueurs comme lui », se désole Fatiha, responsable de la buvette.

Sur le bord du terrain, du côté des entraîneurs, les avis sont partagés. Azzedine, qui gère l’équipe de futsal du club, reconnaît que le racisme existe : « Mais c’est comme partout. Et souvent quand les insultes fusent, c’est plus dans une volonté de provoquer l’autre que de revendiquer un propos raciste. Nous, notre rôle d’éducateur, c’est justement de leur dire qu’il ne faut pas répondre à la provocation. » Et ce cadre, « bien défini » selon Fathia dont l’un des enfants est licencié du Paris Alesia F.C, est totalement accepté par les enfants et les jeunes : « Quand mon fils parle du sort de Benzema en équipe de France, je lui demande : "Et toi, quand tu n’es pas sélectionné par le coach le dimanche pour jouer un match, tu viens pleurer ? Non", il comprend que Deschamps doit sélectionner 23 joueurs et que la décision du coach doit être respectée. »

Le poids de l’opinion publique

Pour Azzedine, comme pour Fatiha, il ne faut pas « tout mélanger » : « Pour moi, l’accusation de racisme, c’est une excuse. C’est surtout l’histoire avec Valbuena qui est responsable de la non-sélection de Benzema », affirme l’entraîneur parisien. Idem pour Saïd, 20 ans, inscrit au club depuis le début de l’année : « S’il n’est pas pris, c’est plus lié à sa vie privée qu’au racisme ! »

A ses côtés, dans les tribunes, son ami Jarhed, 21 ans ajoute : « Ben Harfa et Benzema, je les aurais pris évidemment. Y’a que le foot qui compte dans ces cas-là. En France, on a tendance à donner notre avis sur tout et n’importe quoi en ce qui concerne les joueurs. » Saïd complète : « En Angleterre par exemple, Jamie Vardy a été impliqué dans des histoires mais il fait partie de la sélection pour l’Euro ! » Jarhed, lui, philosophe : « De toute façon, cette histoire, on en entendra plus parler quand on aura des résultats. Si on gagne l’Euro, tout le monde donnera raison à Deschamps. » Début de réponse, dès le 10 juin prochain.