Procès Sofiane Rasmouk: «Il a menti du début à la fin»
JUSTICE•L’accusé comparaît pour viol, tentative de meurtre et vol. Il encourt la peine de prison à perpétuité...Hélène Sergent
«Quand j’ai vu la photo du visage défiguré de Priscilla, j’ai immédiatement pensé à Mamadou Traoré, celui que la presse surnommait « le tueur aux mains nues ». J’ai même regardé sur internet s’il n’était pas sorti de prison… » Si le directeur d’enquête, commandant de police, fait le lien entre les faits survenus le 7 août 2013 à Colombes (Hauts-de-Seine) contre Sandra et Priscilla, et ceux perpétrés en 1996 par Traoré, c’est, reconnaît le fonctionnaire parce qu’il « n’en a vu que deux » des profils comme ça en trente ans de carrière. Entendu longuement ce mardi matin par la cour d’assises de Nanterre, le policier a étoffé le portrait brossé, en partie lundi, par les proches de l’accusé, Sofiane Rasmouk.
« Une perquisition apocalyptique »
« Au départ, j’ai appréhendé les faits comme deux affaires distinctes ». Ce soir-là, à moins de 600 mètres de distance, Sofiane Rasmouk est soupçonné d’avoir roué de coups Priscilla au pied de son domicile à Colombes, de la dépouiller avant de laisser son corps baigner dans une mare de sang. Quelques minutes plus tard, dans la rue Jacqueline Auriol, Sandra, 19 ans, est violée et battue entre deux voitures par un agresseur qui l’empêche de voir son visage. Quatre jours plus tard, grâce aux caméras de vidéosurveillance de la RATP, de la SNCF, de la commune et de plusieurs entreprises situées à proximité des faits, Sofiane Rasmouk est formellement identifié par des policiers de la BAC.
Le directeur d’enquête décide alors de procéder à son interpellation le 12 août : « Tous les voisins étaient terrorisés par ce type et nous disaient que c’était un malade. Une habitante m’a même dit « s’il vous plaît, débarrassez-nous de cet individu ». Quand on l’interpelle au domicile de sa mère, il est en caleçon, l’air ahuri, avec deux de mes collègues on se jette sur lui et on le menotte. Ensuite, ça a été une perquisition apocalyptique, ma pauvre maman a été copieusement insultée », décrit le policier en jean, cheveux grisonnants et fines lunettes. S’ensuivent quarante-huit heures de garde à vue au cours desquelles Sofiane Rasmouk va se dédouaner, entraîner les policiers sur d’autres pistes et changer à plusieurs reprises sa version des faits.
« Un épouvantable menteur »
Face aux neuf jurés, majoritairement composé de femmes, chargés de juger l’accusé aux côtés de la présidente, Edith Sudre et de ses deux assesseurs, le commandant de police a dépeint un jeune homme incapable de maintenir ses propos ou de les appuyer : « Pendant une garde à vue, c’est là qu’apparaissent toutes les contradictions, tous les mensonges. Et Rasmouk va se révéler être un menteur épouvantable, il a menti du début à la fin ». À propos de Priscilla, l’agresseur présumé assure d’abord avoir entendu la jeune femme gémir et avoir appelé les services de secours. Un appel dont les enquêteurs ne retrouveront jamais la trace.
Quant à Sandra, l’homme va justifier la trace de son ADN sur la voiture contre laquelle la jeune femme a été violée par le dépôt, quelques heures avant l’agression, d’un kilo de MDMA (amphétamines) sur l’une des roues du véhicule. Aucune drogue n’a pour autant été retrouvée, ni à son domicile, ni sur la voiture stationnée rue Jacqueline Auriol. « Je pourrai vous lister les 15.000 mensonges, comme lorsqu’il a fini par dire à la juge que Priscilla était une nourrice* [Un individu qui cache la drogue chez lui contre rémunération], qu’elle n’a pas voulu prendre la came, qu’il l’a alors suivi et l’a frappé. Quand vous êtes policier, vous pouvez croire à deux coïncidences, pas à dix, pas à quinze, pas à vingt. »
« On me fait passer pour un débauché »
Malgré sa volonté, exprimée en début d’audience, de « rester calme », Sofiane Rasmouk a violemment réagi à la déposition du directeur d’enquête. « Qu’il me qualifie de mythomane, c’est pas un problème, j’ai changé ma version une fois, ça veut pas dire que je suis mythomane. » « Quatre fois, vous avez changé de version quatre fois », lui rappelle la présidente. Comme la veille, l’accusé a crié au complot judiciaire et policier accusant le témoin de vouloir « lui nuire » et de « ne faire confiance à personne ».
Niant les preuves matérielles comme les relevés téléphoniques, le jeune homme aujourd’hui âgé de 28 ans a maintenu face à la cour : « La technologie, il ne faut pas faire confiance à 100 % (…) c’est pas parce qu’on porte l’uniforme que la personne en face de vous dit la vérité. » Allant jusqu’à fustiger la présidente qui selon lui le fait passer pour un « débauché » et un « marginal », Sofiane Rasmouk encourt la peine de prison à perpétuité.