DROITPourquoi le divorce sans juge fait polémique?

VIDEO. Justice du XXIe siècle: Pourquoi le divorce sans juge fait polémique?

DROITCette mesure en discussion à l'Assemblée depuis ce mardi inquiète certains avocats et des associations, qui redoutent notamment le manque de protection des plus faibles...
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Désengorger les tribunaux et faciliter la vie de ceux qui se séparent. A partir de ce mardi, les députés examinent le projet de loi sur la justice du XXIe siècle, qui contient un amendement gouvernemental visant à autoriser le divorce par consentement mutuel sans saisine du juge et par acte devant le notaire. Une mesure qui paraît consensuelle sur le papier, mais qui ne l’est finalement pas, à constater le nombre de critiques qu’elle suscite. 20 minutes a interrogé plusieurs de ses détracteurs pour comprendre leurs principales inquiétudes.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

La crainte qu’il y ait forcément un perdant dans le divorce

Si le divorce par consentement mutuel sans juge est adopté, chacun des époux sera défendu par un avocat en vue d’aboutir à un accord sur les modalités de leur rupture, avant la signature d’une convention de divorce enregistrée chez un notaire. Mais plusieurs voix s’élèvent pour pointer le risque qu’une des deux parties soit au final lésée. « Le fait que deux personnes soient d’accord pour divorcer ne signifie pas qu’elles parviendront à s’entendre sur le droit de garde des enfants, sur le partage des biens et sur le niveau de pension alimentaire », estime ainsi Patrick Chrétien, président de la Fédération nationale Familles de France. « Jusqu’à présent, le juge se montrait impartial avec les deux parties et veillait à ce que la solution la plus juste soit trouvée. Avec le nouveau système, ce sera l’avocat le plus brillant qui obtiendra la meilleure solution pour son client. Mais pas la plus juste. Un juge garantit la bonne application de la loi, un avocat, la bonne connaissance de la loi. On n’est plus sur le même registre », poursuit-il.

Un avis partagé par Françoise Brié, porte-parole de Solidarité femmes, qui pointe les cas spécifiques des femmes victimes de violences conjugales : « dans ces cas-là, les femmes sont tellement terrorisées par leur conjoint, qu’elles veulent divorcer rapidement, dans n’importe quelles conditions. Mais le juge prend en compte l’emprise qu’elles subissent pour trancher. Avec le divorce sans juge, si elles se montrent peu exigeantes sur les conditions financières du divorce par peur, elles risquent d’être perdantes au final. Par ailleurs, comment pourra se défendre une femme qui aura un avocat, via l’ aide juridictionnelle, face à son mari qui aura eu les moyens de payer un ténor du barreau ? », interroge-t-elle.

Une critique balayée par le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, ce mardi sur France Inter : « Mais qu’est-ce-qui garantit (aujourd’hui) au juge que cette partie faible a bien été entendue par l’avocat unique du couple ? », a-t-l interrogé. « L’avocat a l’intérêt de la défense de son client et quand vous avez deux avocats, vous avez l’équilibre », a-t-il fait valoir, rappelant que 99 % des conventions de divorce sont aujourd’hui homologuées par la juge. Même son de cloche de la part de l’Union syndicale des magistrats : « à partir du moment où la convention aura été vérifiée par l’avocat de chacune des parties (…) , cela ne nous pose pas de difficulté ».

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

L’intérêt supérieur de l’enfant sera-t-il respecté ?

Le divorce par consentement mutuel sans le juge ne pourra pas s’appliquer si un enfant mineur demande à être entendu par le juge. Mais selon le Défenseur des droits, Jacques Toubon, « rien n’assure l’effectivité de ce droit ». Un avis partagé par les Associations familiales catholiques : « A qui l’enfant dira-t-il qu’il veut être entendu ? Comment lui faire porter cette responsabilité ? », s’insurgent-elles.

Pour Jacques Toubon, « le texte ne fait aucune référence à l’intérêt de l’enfant ainsi que l’impose la Convention relative aux Droits de l’Enfant », a-t-il souligné, rappelant qu’aux termes de l’article 3 son intérêt supérieur doit « être une considération primordiale » et que l’article 12 garantit à l’enfant « capable de discernement », le droit « d’exprimer librement son opinion sur toute question le concernant ». En conséquence, il recommande que cette procédure « soit réservée aux seuls couples sans enfant ou avec enfants majeurs ».

Certaines associations craignent aussi les conséquences de la mesure pour les enfants, comme Solidarité femmes : « Les femmes victimes de violences conjugales qui sous emprise de leur mari, risquent d’accepter des décisions concernant la garde des enfants ou le droit de visite trop favorables aux pères, alors que ces derniers sont également parfois violents avec les enfants », estime ainsi Françoise Brié. « Si un enfant se trouve entre deux parents qui se déchirent, le juge peut décider d’une médiation familiale ou d’un suivi particulier après le divorce. Avec la nouvelle mesure, ce ne sera plus possible », ajoute de son côté, Patrick Chrétien.

Le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a battu en brèche cette crainte ce mardi : « Dans le divorce que nous proposons, chaque partie aura un avocat et ce seront eux qui seront garants de cet équilibre. Si l’enfant souhaite être entendu, alors (la procédure du divorce) ne sera pas changée et c’est le juge des affaires familiales qui le prononcera », a-t-il fait valoir. « Les avocats devront s’assurer que l’enfant a été entendu, soit en l’informant eux-mêmes, soit en demandant à un confrère spécialisé en droit de l’enfance de le faire », estime Pascal Eydoux, président du Conseil national des Barreaux (CNB).

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Un surcoût pour les deux parties

Actuellement, les couples qui souhaitent divorcer par consentement mutuel, peuvent choisir le même avocat. Avec le divorce sans juge, le recours obligatoire à deux avocats, se traduira forcément par un surcoût pour eux. Cette réforme « impose au justiciable de payer un notaire pour obtenir une décision auparavant gratuite », souligne aussi le Syndicat des avocats de France. Le coût de l’enregistrement est prévu à 50 euros.

Les tribunaux seront-ils vraiment désengorgés ?

« L’absence du contrôle d’un juge dans cette nouvelle forme de divorce par consentement mutuel pourrait être source de nombreux contentieux ultérieurs », estime le Syndicat des avocats de France, qui doute du coup que la mesure allégera la charge de travail des magistrats. Mais de son côté la Chancellerie insiste sur le gain de temps pour les justiciables qui aujourd’hui attendent de longs mois avant d’avoir une première audience devant le juge.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Les risques d’une déjudiciarisation du divorce pointés

Pour le CNB, le divorce sans le juge signifie « un recul de l’ordre public de protection dont le juge est le garant en matière de droit des personnes ». Le Syndicat des avocats de France dénonce aussi « la déjudiciarisation de cette forme de divorce (…) qui trahit l’amorce d’une privatisation progressive du droit des personnes ». Quant au Conseil des barreaux, qui soutient le projet, il souhaite néanmoins que l’acte de divorce soit validé par les pouvoirs publics : « nous demandons que l’acte soit enregistré par un greffier d’un tribunal d’instance, non par un notaire », indique ainsi à 20 minutes, Pascal Eydoux, président du CNB.