Procès Neyret: «J’étais seul, j’avais tout le poids du service sur les épaules»
JUSTICE•Les anciens subordonnés de l’ex-commissaire ont évoqué « la pression » que ce dernier leur mettait…Florence Floux
Michel Neyret est seul. Pourtant accompagné sur le banc des prévenus par trois de ses anciens subordonnés, ce mardi après-midi, pour le volet trafic de stupéfiants de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris, l’ex-commissaire a tout pris sur lui.
D’abord face à ses hommes, qui ont tous affirmé les uns après les autres à la barre ne pas avoir partagé la vision du métier qu’avait leur chef. Jean-Paul Marty, chef de groupe à la brigade des stupéfiants de Lyon à l’époque des faits en 2011, Christophe Gavat, numéro 1 de la PJ de Grenoble et Gilles Guillotin, son adjoint, ont fait part de leur gêne face aux demandes répétées de leur grand chef de récupérer une partie des saisies de drogue pour rémunérer les informateurs.
Des subordonnés réticents ?
Jean-Paul Marty parle d’une « pression terrible » qui l’aurait poussé à donner 3 « savonnettes » de cannabis à Michel Neyret pour que celui-ci le laisse tranquille, soit l’équivalent de 300g sur une saisie d’environ 300kg. A Grenoble, Gavat et Guillotin eux, affirment s’être mis d’accord tous les deux pour mentir à leur supérieur, en lui faisant croire qu’ils ont bien prélevé des échantillons pour les donner aux indics…
Malgré la gêne pourtant, aucun d’entre eux n’a décidé d’en référer à sa hiérarchie, pour dénoncer ce qu’ils reconnaissent tous comme une « infraction pénale ». « Je ne pouvais pas être celui qui allait abîmer la légende de Michel Neyret, regrette Christophe Gavat. J’aurais dû le faire mais ça aurait été compliqué. » Refuser la demande ne leur semble pas davantage opportun : « Quand on dit non à Neyret, on se demande si on a bien fait ou pas, parce que c’était un grand flic », indique Marty. De son côté, Neyret lui, s’excuse « auprès de ses collègues, qu’il a mis en difficulté grave dans leur carrière ».
« J’étais obsédé par le travail et les résultats »
Seul, Michel Neyret l’était apparemment aussi aux commandes de la PJ lyonnaise. Sa « vision des choses » sur la politique à tenir concernant d’après lui deux informateurs bien particuliers, recrutés par la PJ de Lyon fin 2010, le commissaire n’estime pas nécessaire de la partager avec son directeur de l’époque, pour des raisons qu’il peine à expliquer à la barre.
« J’assurais ma fonction de chef de service. J’étais obsédé par le travail et les résultats. Mon travail, c’était que mes services opérationnels aient des infos pour faire tomber des réseaux. J’assume totalement cette démarche. C’est pour ça que j’ai mis la pression », se justifie Neyret. « J’étais seul, j’avais tout le poids du service sur mes épaules. La pression que je mettais, c’était aussi le reflet de celle que je recevais », poursuit-il peu après avoir indiqué que « s’il avait pu rester à la BRI de Lyon jusqu’à la fin de sa carrière, il l’aurait fait ».
« Ma vision personnelle des choses »
C’est son « obsession du travail » qui aurait poussé l’ancien numéro 2 de la PJ lyonnaise à aller trop loin, d’après lui : « J’avais une mission personnelle que je m’étais assignée. J’ai employé des moyens que la loi réprouve et je suis là devant vous pour en répondre. » Plus à l’aise que la veille, Michel Neyret raconte comment il a essayé « de mettre une certaine souplesse dans un système qui n’en avait aucune », malgré le manque d’entrain de ses subordonnés.
« Qu’est-ce qui vous laisse penser à l’époque, alors que la majorité de vos subordonnés semblent plus que réticents par rapport à votre méthode, et qu’elle est pénalement répréhensible, que votre stratégie est la bonne ? » interroge le président Olivier Geron. « Je ne dis pas que c’était la bonne, mais c’était ma vision personnelle », estime Neyret avant d’ajouter : « J’ai lutté toute ma vie contre le grand banditisme avec des résultats notables. »
Quand la procureure essaie de le pousser dans ses retranchements en lui affirmant que « les fins qu’il s’assigne justifient les moyens », Neyret botte nie : « C’est votre interprétation. » Les débats doivent reprendre le 17 mai.