POLICEL'affaire Neyret a-t-elle changé les pratiques de la police?

Informateurs, saisies de stupéfiants... L'affaire Neyret a-t-elle changé les pratiques de la police?

POLICELa justice reproche à Michel Neyret d'avoir prélevé de la drogue sur des saisies pour rémunérer en nature des informateurs...
Michel Neyret, en mai dernier, lors de la présentation d'une saisie record de stupéfiants.
Michel Neyret, en mai dernier, lors de la présentation d'une saisie record de stupéfiants. -  c. villemain / 20 minutes
Florence Floux

Florence Floux

Alors que le volet trafic de stupéfiants du procès de Michel Neyret s’ouvre ce mardi au tribunal correctionnel de Paris, l’ancien numéro 2 de la PJ de Lyon va devoir s’expliquer sur sa gestion des informateurs et des scellés de drogue. La justice reproche au commissaire et à plusieurs de ses subordonnés d’avoir prélevé une partie des saisies de stupéfiants pour rémunérer en nature des indics. Une pratique « à l’ancienne » qui n’a plus cours aujourd’hui ?

La loi Perben II avait déjà mis de l’ordre

En 2004, la loi mise en place par le ministre de la Justice de l’époque encadre la gestion des sources et offre un statut légal aux informateurs en les enregistrant auprès du Bureau central des sources de la PJ. Elle met également en place un barème de rémunération en fonction de l’importance du « tuyau » fourni et des risques encourus par le « tonton ». « La loi Perben a mis fin à un comportement à l’ancienne, indique Isabelle Trouslard, du syndicat Synergie Officiers. L’idée de cette loi est de protéger le policier en lui permettant de garder du recul par rapport à son informateur, il n’est plus seul face à lui. »

Selon plusieurs sources policières, la loi Perben a réglé beaucoup de problèmes et les « méthodes à l’ancienne » ne sont plus appliquées. Pour certains prévenus de l’affaire Neyret, tel Gilles Guillotin, ancien numéro 2 de la PJ de Grenoble auteur du livre 33 ans flic pour rien ? (Ed. Temporis), cette loi a pourtant mis en place « des rémunérations officielles qui ne correspondent pas à la réalité du terrain niveau timing et montant »

Une « charte de traitement des informateurs »

En 2012, le ministère de l’Intérieur rédige une « charte de traitement des informateurs » à destination des services concernés. Il s’agit de définir les bonnes pratiques des policiers face à leurs indics. D’après Marianne Charret-Lassagne, commissaire en charge de la division Investigation et Police judiciaire à l’Ecole nationale supérieure de la police (ENSP), un « guide des bonnes pratiques » existait déjà depuis 2007 ou 2008 « mais le ministère a souhaité réaffirmer le caractère interactif de la charte, c’est-à-dire que tout policier qui ne suit pas ces règles s’expose à des sanctions pénales ».

Parmi ces règles, « on ne va pas tout seul voir son informateur. Cela permet de garder une certaine distance face à lui. La gestion d’un indic, c’est de l’humain, c’est très compliqué. Si le policier se rend au rendez-vous avec un collègue, il est plus facile de garder cette relation sous contrôle », explique Isabelle Trouslard.

Des formations initiales et continues

Les élèves commissaires de police sont formés à la gestion des sources depuis plusieurs années. Au cours de leurs études à l’ENSP, ils sont également sensibilisés à la gestion des scellés, notamment de stupéfiants. Une formation continue pour les commissaires et officiers en poste a également été mise en place en 2012, indique Marianne Charret-Lassagne. « Il s’agit d’une formation beaucoup plus poussée et pratique que le module de formation initiale », explique la commissaire.

La destruction d’un scellé est toujours ordonnée par un magistrat. En revanche, la présence de celui-ci lors de la destruction du scellé n’est pas obligatoire. « Lors d’une grosse destruction, il arrive que certains magistrats demandent à être présents. Lorsqu’une affaire du type affaire Neyret sort dans les médias, il y a systématiquement une augmentation des demandes de la part des magistrats. Ça s’estompe avec le temps », commente Marianne Charret-Lassagne.

Une prise de conscience

Si l’affaire Neyret n’a pas bouleversé la prise en charge des informateurs, elle tout de même changé quelque chose dans les mentalités. « Il s’agit d’une affaire de personnes dont le jugement est en cours, et pas d’une affaire emblématique de la gestion des informateurs au sein de la PJ. Mais cette histoire a fait prendre conscience aux enquêteurs qui se trouvent sur le terrain et qui manquent parfois de temps pour prendre du recul, que leur métier est risqué », estime Isabelle Trouslard.

Si la loi Perben et les pratiques ont évolué au sein de la police, des problèmes persistent malgré tout. Récemment, en octobre 2015, la douane a saisi 7 tonnes de cannabis à Paris, dans des fourgonnettes avant de découvrir qu’une partie de cette drogue avait déjà été saisie en France et en Belgique. L’enquête est toujours en cours.