VIDEO. «Anzac Day»: Des graffitis de la Première Guerre mondiale découverts dans la Somme
REPORTAGE•Retour en images sur les milliers de graffitis de soldats de la Première Guerre mondiale récemment découverts dans les souterrains de Naours, dans la Somme…Anne-Laëtitia Béraud
En 1916, la bataille de la Somme ensanglantait le nord de la France. Cent ans après, des commémorations célébrant l’engagement des troupes australiennes et néo-zélandaises à ce conflit, l'«Anzac Day », se tiennent ce lundi en France en présence du gouverneur général d’Australie.
C’est d’ailleurs dans la Somme que là petite commune de Naours a redécouvert un trésor dans ses souterrains. Plusieurs milliers de graffitis, essentiellement réalisés par des soldats australiens, se cachent dans l’obscurité de ses galeries labyrinthiques. Ces militaires étaient venus visiter la cité souterraine avant de partir au front. Leur signature est souvent leur dernière trace sur terre. Car la bataille de la Somme, avec plus de 440.000 tués, est l’un des affrontements les plus meurtriers de la Première Guerre mondiale.
Ces fragiles inscriptions ont été redécouvertes en 2014 par Gilles Prilaux, archéologue de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et spécialiste de la Première Guerre mondiale. Depuis gamin, ce Picard connaissait ces souterrains sans s’être arrêté sur ces marques d’un autre temps. « C’est en faisant des recherches dans l’une des pièces souterraine que j’ai remarqué une puis deux, puis des dizaines et des dizaines d’inscriptions », raconte-t-il émerveillé.
Des centaines de noms, de matricules, de bataillons, de nationalités et de dates se cachent dans chaque recoin des galeries. Seule une puissante lampe torche permet de découvrir ces marques réalisées au crayon de papier. « Dans ces souterrains se trouve une concentration unique en France d’inscriptions de la Grande guerre », commente Giles Prilaux. Environ 2.800 inscriptions ont aujourd’hui été répertoriées par l’équipe de scientifiques.
« Une concentration unique d’inscriptions de la Grande guerre »
Parmi les signatures recensées, 150 soldats ont été formellement identifiés. Certains sont célèbres, tel le lieutenant Leslie Russel Blake, célèbre explorateur de l’Antarctique, ou Samuel Meekosha, décoré à 22 ans de la prestigieuse Victoria Cross pour un sauvetage héroïque. Deux signatures inventoriées appartiennent à des femmes, probablement des infirmières.
Comment ces militaires s’étaient-ils retrouvés dans ces souterrains ? Ils faisaient… du tourisme. « Les soldats passaient 20 % du temps sur le front, et 80 % à l’arrière. Il fallait les occuper, car une troupe qui s’ennuie va réfléchir, et renoncer à se battre », estime l’archéologue. L’un des occupations sera donc la visite touristique des souterrains de Naours.
« Ces soldats venaient quelques heures ici avant d’aller au front. Je les imagine avec leur petite lampe et leur clope, presque dans l’obscurité, à écrire leur nom les uns à côté des autres », raconte Gilles Prilaux. « Ils ont écrit avec ce qu’ils avaient sous la main. Ils possédaient des crayons à la mine de plomb dans leur barda. En laissant une trace durant leur visite, c’était une façon de dire, "Vous voyez, j’étais ici" », continue l’archéologue.
« Certains ont pleuré quand je leur ai annoncé que leur arrière-grand-père était venu ici »
A Naours, l’heure est à la numérisation et la modélisation en 3D de ces inscriptions. Mais aussi aux longues recherches pour identifier les hommes derrière les signatures. Ces soldats viennent du bout du monde, essentiellement d’Australie, de Nouvelle-Zélande, mais aussi des Etats-Unis, du Canada, d’Irlande… ou d’Inde, avec des inscriptions écrites en ourdou.
L’équipe, épaulée par des collégiens de la région, s’attelle à la longue tâche. « A partir de quelques lignes griffonnées sur un mur au crayon de bois, on arrive à aller chercher l’histoire de ces soldats », confie Gilles Prilaux. « On retrouve sa photo, sa famille, ses descendants, sa correspondance, un télégramme annonçant sa mort… On rentre dans des histoires intimes de ces soldats. Des traces qui nous livrent une histoire qui était presque perdue ».
Et quand une famille de descendants est contactée par les Français, c’est l’émotion qui domine. « J’ai contacté plusieurs familles, sur leurs blogs ou sur Facebook. Avec des Australiens, c’était touchant, car certains se sont mis à pleurer quand je leur ai annoncé que leur arrière-grand-père était venu ici ». Les scientifiques ont encore un long travail de recherches pour lancer, courant 2017, un site internet recensant leurs découvertes, complétées d’une vaste banque de données.