SECURITERaid, le GIGN et la BRI: «Véritable réorganisation» ou «réforme factice»?

Annonces sur le Raid, le GIGN et la BRI: «Véritable réorganisation» ou «réforme factice»?

SECURITELes forces de l'ordre restent prudentes après l'annonce du schéma national d'intervention des unités d'intervention spécialisées annoncé ce mardi...
Florence Floux

Florence Floux

Bernard Cazeneuve a-t-il réussi son pari ? Dans un contexte d’hostilités ouvertes entre police et gendarmerie après des polémiques post-attentats de novembre 2015, le ministre de l’Intérieur s’était fixé pour mission d’organiser la coopération des unités d’intervention spécialisées telles que le Raid, la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention) et le GIGN (Groupement d’Intervention de la Gendarmerie nationale).

Son schéma national d’intervention, présenté ce mardi place Beauvau, officialise certaines annonces qui avaient déjà fuité : la création d’antennes du GIGN dans certaines villes de France, l’ouverture d’unités du Raid dans d’autres, et la suspension des zones de compétence territoriale en cas d’attentat afin de privilégier l’unité d’intervention la plus proche et la plus compétente dans un esprit de complémentarité.

« Une force de frappe plus importante »

« Ce plan met en place une coopération automatique, on sait dorénavant qui va faire quoi, ce qui est un grand mérite. Il fallait coordonner le Raid, la BRI et le GIGN, c’est-à-dire trois organisations avec trois hiérarchies différentes : la police nationale, la préfecture de police de Paris et la gendarmerie », estime Philippe Capon, secrétaire général du syndicat Unsa-Police.

Côté gendarmes, on se félicite également des annonces du ministre de l’Intérieur : « Nous sommes en faveur de la coordination. Cela permet d’avoir une force de frappe plus importante », indique Gérard Sullet, vice-président de l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie. D’autant que les militaires y voient la reconnaissance « de l’expertise du GIGN » par le ministre, même « s’il a fallu attendre une situation aussi grave pour qu’on se rende compte de la complémentarité des deux forces », regrette Gérard Sullet. La volonté affichée de Bernard Cazeneuve avec ce nouveau schéma est effectivement de faire travailler policiers et gendarmes main dans la main, de façon complémentaire selon les spécialités de chacune des unités, qui ont été recensées et vont être vérifiées.

« On réagit dans l’urgence »

De quoi laisser l’ancien patron du Raid perplexe : « Le Raid et le GIGN ont les mêmes capacités pour résoudre les mêmes crises. Nous sommes formés par les mêmes personnes », s’étonne Jean-Louis Fiamenghi, auteur du livre Dans le secret de l’action (Editions Mareuil). Ce n’est pas le seul aspect qui inquiète cet ex de la BRI.

S’il voit d’un bon œil l’amélioration de l’équipement de la Brigade anticriminalité (Bac) et des PSIG Sabre de la gendarmerie afin d’intervenir au mieux en moins de 20 minutes n’importe où en France, il s’interroge sur ce délai, énoncé par le ministre de l’Intérieur. « Pourquoi 20 minutes ? C’est très factice. Si des gens sont tués au cours d’un nouvel attentat dans les 10 premières minutes, que fera-t-on ? On réagit dans l’urgence sans se demander si c’est rationnel », regrette-t-il. « Bernard Cazeneuve est passé à côté de la réforme qui aurait été la meilleure et la plus rationnelle, c’est-à-dire dissoudre le Raid et le GIGN pour ne former qu’une seule et même unité d’intervention spécialisée », estime Jean-Louis Fiamenghi.

Des questions en suspens

Un avis que ne partage pas Philippe Capon de l’Unsa. « Ce schéma est une grande étape, c’est le début de la réorganisation des forces de sécurité », indique-t-il. Même si le secrétaire général de l’Unsa s’interroge sur les espaces laissés vides sur la carte de France des antennes du Raid et du GIGN, comme le centre ou bien la Normandie. Et sur le rôle attribué aux militaires de l’opération Sentinelles, renforcées après le 13 novembre. « Des patrouilles de militaires pourraient également jouer le rôle de primo-intervenants sur un attentat », estime-t-il.

D’autres questions restent encore en suspens, tel que le rôle du premier échelon d’intervention sur un attentat, soit le policier ou le gendarme de terrain. « Nous voulons que chaque véhicule de police soit doté d’un fusil d’assaut et que le personnel soit formé à son utilisation, explique Philippe Capon. Et nous estimons que la mise en place d’une salle de coordination départementale qui regrouperait policiers, gendarmes, pompiers… est indispensable. Les appels au 17 arriveraient tous au même endroit. Ce serait vraiment un énorme progrès. » Des idées pour de nouvelles annonces ?