Sécurité routière: A qui profite la privatisation du pilotage des véhicules dotés de radars embarqués?
SOCIETE•Pour réduire la facture, l’Etat externalisera en janvier le pilotage des véhicules embarquant des radars mobiles…A.-L.B.
La privatisation du pilotage des voitures équipées des radars embarqués sera effective en janvier 2017, préciseLe Parisien ce mercredi. Aujourd’hui conduits par des membres des forces de l’ordre, les véhicules banalisés où sont installés des radars mobiles effectuant les contrôles de vitesse, le seront bientôt par des chauffeurs privés. Par quoi est motivée cette externalisation, et à qui va-t-elle profiter ?
Multiplier les « prestataires agréés » et les recettes
Comme l’a annoncé Manuel Valls le 2 octobre lors d’un Conseil interministériel de sécurité routière, certaines tâches des contrôles par radars mobiles nouvelle génération (RMNG) seront « externalisées ». Cela signifie que des contrats, comme celui du pilotage des véhicules accueillant les radars embarqués, seront conclus avec des « prestataires agréés » par l’Etat.
Le but est de multiplier le nombre de ces prestataires. En 2018, 440 voitures équipées de radars seront en circulation, contre 319 en 2015. L’augmentation des véhicules et des radars sera synonyme de nouvelles recettes pour l’Etat.
L’Etat engagé dans une réduction des coûts
« Cette externalisation est avant tout une bonne gestion des deniers publics », a reconnu auprès de l’AFP le délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe. L’Etat veut tout d’abord rentabiliser le parc de ces voitures banalisées, qui aujourd’hui, ne circulent qu’« une heure et 13 minutes par jour », alors que les voitures coûtent « 70.000 euros à l’achat et 18.000 euros d’entretien annuels » a-t-il précisé au Parisien.
Cette externalisation est motivée par une autre raison. L’Etat veut réaffecter les policiers et les gendarmes vers d’autres missions, comme les contrôles d’alcoolémie ou la chasse aux comportements dangereux, précise Le Parisien.
L’automobiliste forcément perdant ?
L’annonce de la privatisation du pilotage des véhicules embarquant les radars fait grincer des dents. Pour le sénateur de la Vienne LR Alain Fouché, « c’est l’automobiliste qui va trinquer », a-t-il confié au quotidien. « Tout confier au privé (…) c’est prendre le risque de dérives et d’excès de zèle (…) Une société privée fera tout pour faire du chiffre et donc flasher au maximum ».
Une course au flash réfutée par le député PS de l’Orne Yves Goasdoué, qui interroge : « Compte tenu de la situation économique et du niveau d’alerte, ne vaudrait-il pas mieux utiliser ces officiers de police judiciaire sur des missions qui requièrent vraiment leurs compétences ? »
Des garde-fous dans un cahier des charges
L’argument d’une course au PV est également balayé par Emmanuel Barbe. Selon le haut fonctionnaire, les chauffeurs privés ne pourront pas faire tout ce qu’ils veulent et seront tenus à un cahier des charges. « En lien avec les forces de l’ordre, nous allons leur dire les routes qu’ils doivent parcourir, on contrôlera les missions ex-post pour être certains qu’ils sont allés là où on voulait qu’ils aillent ou qu’ils ne sont pas sortis à des heures anormales… Les véhicules restent propriétés de l’Etat », explique-t-il à l’AFP.
Par ailleurs, l’analyse du PV restera une affaire d’Etat : « Déjà à l’heure actuelle, les policiers et gendarmes qui sont dans les voitures ne verbalisent pas, a-t-il précisé. Le PV est fait par un officier à Rennes au centre automatisé de constatation des infractions routières ».
Une défiance des Français face à la mesure
La perspective que les chauffeurs des véhicules embarquant des radars ne soient plus des agents des forces de l’ordre ne semble pas réjouir les Français. Selon un sondage Harris Interactive commandé par 40 millions d’automobilistes et publié par Le Parisien, 83 % des sondés se disent opposés à cette réforme. Et 76 % craignent que les sociétés privées aient pour objectif d’augmenter le nombre de contraventions…