Attentats de novembre: Antoine Leiris a perdu sa femme au Bataclan... Il raconte la vie d'après
TEMOIGNAGE•Dans « Vous n’aurez pas ma haine », il raconte les douze jours qui ont suivi la mort de sa femme Hélène…Delphine Bancaud
Comment peut-on arriver à se lever le matin et à continuer à être un père après avoir perdu sa femme lors d’un attentat ? Dans Vous n’aurez pas ma haine, qui vient de paraître, Antoine Leiris, répond à cette question en racontant, sans les édulcorer, les douze jours qui ont suivi la mort de sa femme Hélène, tuée au Bataclan le 13 novembre.
Antoine Leiris, Vous n’aurez pas ma haine
Il décrit d’abord, le séisme provoqué par l’annonce par les médias d’une tuerie en cours dans la salle de concert, ce vendredi noir. « La fin de l’innocence » pour lui et l’impression que « le monde autour s’efface ». Puis son tour des hôpitaux en quête d’une preuve de vie d’Hélène, l’espoir qui s’amenuise, jusqu’à l’annonce de la sentence terrible. « D’une rafale de mitraillette, ils ont dispersé notre puzzle », écrit-il pour dépeindre l’explosion de sa famille. Amputé d’une partie de lui-même, Antoine Leiris décrit l’amour fou qu’il avait pour sa femme : « Nous étions comme deux petites briques de plastique que les enfants s’amusent à emboîter, faits l’un pour l’autre ».
Le refus de céder à la colère
Il relate aussi le moment d’une douleur infinie où il a dû apprendre à son fils de 17 mois que sa mère ne reviendrait plus. « Il pleure comme je ne l’ai jamais vu pleurer », raconte-t-il « c’est son premier chagrin, la première fois qu’il est triste pour de vrai », poursuit-il, persuadé que son fils, malgré son jeune âge, a compris le drame qui se jouait. Vient ensuite le moment où il doit dire adieu au corps d’Hélène, derrière une vitre del’Institut médico-légal de Paris. « Elle est aussi belle qu’elle l’a toujours été », déclare-t-il. Et étrangement, c’est de cette dernière rencontre que l’homme tire sa force : « depuis que je l’ai retrouvée, le bourdonnement commence à s’atténuer et ma langue à se délier », écrit-il.
Après la prostration, Antoine Leiris raconte comme il a repris peu à peu le cours de sa vie, en retrouvant d’abord le besoin de s’exprimer, via un texte posté sur Facebook, seulement trois jours après le drame. « Vous n’aurez pas ma haine », déclare-t-il aux terroristes. « Répondre à la haine par la colère serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes », poursuit-il. « Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu », affirme-t-il. Un cri du cœur qui est partagé par plus de 200.000 personnes et qui engendre des milliers de réponses venues du monde entier.
« On ne se soigne pas de la mort. On se contente de l’apprivoiser »
Une solidarité salvatrice pour Antoine, qui reçoit aussi des tonnes de propositions de baby-sitting, des cadeaux d’inconnus et des flopées de lettres. Les mères de la crèche de son fils s’organisent même pour préparer des purées maison. Mais il refuse de déléguer sa paternité, quitte à jeter les mets concoctés pour son fils à la poubelle, afin de se prouver qu’il peut tout faire tout seul. Il se rattache aussi aux habitudes du quotidien, pour essayer de reprendre le cours de sa vie, avec son fils « en chef d’orchestre qui rythme » sa vie à la baguette avec ses sommeils, ses repas, ses promenades et ses rituels. Il souhaite aussi transmettre à son fils son absence de haine vis-à-vis des bourreaux de sa mère : « Nous ne reviendrons jamais à notre vie d’avant. Mais nous ne construirons pas notre vie contre eux. Nous avancerons dans notre vie à nous ».
Malgré son courage, l’homme refuse cependant d’être considéré avec admiration : « On a toujours l’impression lorsqu’on regarde quelque chose de loin que celui qui survit au pire est un héros. Je sais que je n’en suis pas un », affirme-t-il, avouant sa peur de « ne pas être à la hauteur ». « On ne se soigne pas de la mort. On se contente de l’apprivoiser », reconnaît-il modestement.
Vous n’aurez pas ma haine, par Antoine Leiris, éditions Fayard, parution le 4 avril.