JUSTICEPourquoi Urvoas s'alarme maintenant du manque de moyens de la justice?

Pourquoi Urvoas s'alarme maintenant du manque de moyens de la justice?

JUSTICELe garde des sceaux prend l’opinion à témoin pour obtenir des arbitrages favorables du ministre du Budget…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

Des magistrats incapables d’imprimer les jugements, faute de papier. Des experts payés avec quatre mois de retard. Des victimes glacées dans des tribunaux où le chauffage ne fonctionne plus. « Le ministère de la Justice n’a plus les moyens de payer ses factures », s’alarme Jean-Jacques Urvoas, le garde des sceaux, dans une interview au Journal du dimanche.

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Arrivé place Vendôme le 27 janvier en remplacement de Christiane Taubira, l’ancien député (PS) du Finistère n’a cessé de répéter, depuis, qu’il entendait faire de « la question des moyens » son principal objectif. On comprend mieux pourquoi à la lecture des chiffres qu’il dévoile ce dimanche. « L’Etat a une dette de 170 millions d’euros [dont] 36 millions de factures impayées pour des hospitalisations de détenus, lâche-t-il. Le risque existe que la machine judiciaire se grippe. »

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Une vingtaine de prélèvements, de l’argent pour trois analyses…

« Le problème n’est pas tant pour les conditions de travail des magistrats que pour le service que l’on rend aux justiciables », confirme Clarisse Taron. Présidente du syndicat de la magistrature (classé à gauche), cette magistrate en poste à Besançon (Doubs) l’a encore expérimenté très récemment.

« Sur une scène de crime, la police scientifique avait effectué une vingtaine de prélèvements, raconte-t-elle à 20 Minutes. Mais nous n’avions les moyens d’en analyser que trois. On m’a demandé de choisir ! Comment savoir si c’est le prélèvement sur la porte qui permettra d’établir la vérité plutôt que celui sur la fenêtre ? »

Prendre l’opinion à témoin pour obtenir des fonds

Jean-Jacques Urvoas connaît ce genre d’histoires. Cela fait deux mois qu’il les entend à chaque fois qu’il entreprend un déplacement. S’il a décidé de les rendre publiques, ce dimanche, c’est sans doute dans le but d’émouvoir l’exécutif et d’obtenir ainsi de lui un sérieux coup de pouce. « Nous sommes en pleine période d’arbitrages avec Bercy, poursuit Clarisse Taron. Et Jean-Jacques Urvoas sait que ses prédécesseurs n’ont jamais eu gain de cause… »

Fin tacticien, le Garde des sceaux a donc décidé de mettre la pression sur Christian Eckert, le ministre du Budget, en prenant l’opinion à témoin. « Je veux que tout le monde sache quel est le vrai état de la Justice et qu’on pense aux 25.000 Français qui entrent chaque jour dans un tribunal. »

La France classée 37e sur 45 pays européens

Et aussi à ceux qui les administrent. Interdits de droit de grève, les conseillers d’insertion et de probation des détenus ont, par exemple, prévu de manifester, ce lundi, devant la Chancellerie. « Depuis novembre, on nous demande de faire de la détection de détenus radicaux, raconte Pierre Goubet, délégué CGT au Puy-en-Velay. Je suis déjà 100 personnes différentes au quotidien. Comment voulez-vous que je trouve le temps de m’atteler à cette tâche ? »

Encore un exemple que Jean-Jacques Urvoas pourra citer le jour des négociations avec son homologue du Budget. S’il manque d’arguments, il pourra aussi lui remettre le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice. Autorité respectée, elle classe la France au 37e rang sur 45 pays européens en matière de budget alloué à la justice. Derrière la Géorgie, la Turquie ou Chypre…

La France se classe 37e sur 45 dans le comparatif des budgets de la Justice.
La France se classe 37e sur 45 dans le comparatif des budgets de la Justice. - CEPEJ