EDUCATIONLa lutte des classes continue sur Le Bon Coin

Le Bon Coin, dernière chance des écoles avant la fermeture?

EDUCATIONAu fil des années, les parents d’élèves ont fait du site de petites annonces Le Bon Coin un véritable terrain d’expression...
Nicolas Beunaiche

Nicolas Beunaiche

«Petite école de village recherche enfants pour compléter les rangs de notre classe unique. » Entre les voitures, les maisons et les objets improbables qui s’échangent sur Le Bon Coin, cette annonce originale, postée le 21 mars par un père de famille de Montmin (Haute-Savoie) et repérée ce jeudi par Le Dauphiné Libéré, a de quoi interpeller. Un message sur Le Bon Coin pour convaincre des familles de scolariser leur enfant dans une école, vraiment ?

Annonce publiée en mars 2016 pour attirer des élèves dans une école de Montmin (Haute-Savoie).
Annonce publiée en mars 2016 pour attirer des élèves dans une école de Montmin (Haute-Savoie). - LE BON COIN

Certains parents d’élèves y croient visiblement dur comme fer. Le 7 mars, une annonce similaire avait déjà été publiée à Saint-Michel-de-Saint-Geoirs (Isère). Puis une autre, une semaine plus tard, à Thérondels (Aveyron). A chaque fois, la même histoire, ou presque : un village en manque d’enfants, une école menacée de fermeture ou de dégradation des conditions d’enseignement, des parents d’élèves mobilisés… et Le Bon Coin.

Des parents DRH

Un drôle de mélange des genres. Et pourtant, les acteurs du milieu de l’éducation n’ont pas vraiment été surpris. Car l’histoire entre le site de petites annonces et les parents d’élèves remonte en fait à 2011. A l’époque, le ministère de l’Education nationale est confronté à la difficulté de remplacer ses professeurs absents. Le locataire de la rue de Grenelle, Luc Chatel, autorise alors le recours à Pôle Emploi pour recruter des vacataires. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que certains parents d’élèves s’improviseraient DRH pour le compte des rectorats…

Depuis lors, les annonces de parents d’élèves recherchant des professeurs sur Le Bon Coin se sont multipliées. A Sarreguemines et Briey (Moselle et Meurthe-et-Moselle), à Meximieux (Ain), à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), à Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlantique), ou encore à Vigneux-sur-Seine (Essonne). Bref, un peu partout. Pour une efficacité prouvée. « Nous avons trouvé un professeur de technologie en novembre 2013, alors que le rectorat avait échoué, se souvient un employé du collège Henri-Wallon de Vigneux. Il est arrivé en CDD, puis il est parti comme prévu au bout de quelques mois. » Et d'aussi loin qu’il se souvienne, la situation ne s’est jamais représentée.

« Un congé maternité, ça s’anticipe ! »

Mais ce n’est pas le cas partout. « Ces initiatives parentales, même si nous ne les soutenons pas, sont révélatrices des dysfonctionnements qui ont cours au sein du ministère de l’Education, déplore Liliana Moyano, la présidente de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves). Les rectorats sont responsables du recrutement mais ils peinent à avoir une approche proactive des remplacements : une formation ou un congé maternité, ça s’anticipe ! »

Interrogé, le ministère de l’Education n’a pas souhaité répondre à ces critiques, trop occupé par l’actualité de la mobilisation contre la loi El Khomri, ce jeudi. Mais une source au sein du ministère pointe tout de même du doigt la politique de la précédente majorité pour expliquer la situation. « Sous le précédent quinquennat, des dizaines de milliers de postes ont été supprimés, appuie-t-elle. Le gouvernement actuel, qui a recruté en masse, est quand même bien plus favorable aux professeurs. »

La dernière trouvaille des parents

Dans certains établissements, s’ajoute aux difficultés de recrutement la problématique du dépeuplement, qui menace parfois leur existence même. « Le souci, c’est que le ministère est dans une logique mathématique, dénonce Liliana Moyano. Parfois, des classes peuvent fermer pour un élève manquant. » Ces dernières années, les parents mécontents sont donc passés à la deuxième phase de leur action sur Le Bon Coin. Plutôt que de rechercher des professeurs, certains d’entre eux ont carrément… mis en vente l’école de leur enfant pour protester contre des décisions de l’inspection académique.

L'annonce de la vente de l'école de Roquefort.
L'annonce de la vente de l'école de Roquefort. - Le Bon Coin

Comme celles de Viricelles (Loire) et de Monein (Pyrénées-Atlantiques), en 2015, l’école de Roquefort (Gers) s’est ainsi retrouvée sur le site, en février dernier. Sans grand effet, toutefois. Et pour cause : « C’est avant tout de la communication », analyse Liliana Moyano. Pour autant, la présidente de la FCPE refuse de condamner ce type d’initiative. « Pour nous, toute tentative d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la question du maillage scolaire est positive », assure-t-elle.

La dernière trouvaille des parents d’élèves sur Le Bon Coin – attirer des écoliers dans l’école de leur enfant pour la sauver- trouve donc aussi grâce à ses yeux . D’autant qu’elle semble porter ses fruits. A Montmin, deux internautes auraient déjà répondu à l’annonce postée il y a dix jours, dont une mère de famille de Draguignan (Var), selon Le Dauphiné Libéré.