Terrorisme : Comment les avocats peuvent-ils défendre des clients comme Salah Abdeslam ?
JUSTICE•Surnommé « l’avocat des crapules » en Belgique, Sven Mary a très rapidement accepté d’assurer la défense du terroriste présumé des attentats de Paris…Vincent Vanthighem
«Ma femme et mes enfants n’ont pas à souffrir de mes activités ! » Sven Mary n’a posé qu’une seule condition. Dans la foulée, il a annoncé, vendredi soir, qu’il était l’avocat de Salah Abdeslam. Arrêté quelques heures plus tôt à Molenbeek (Belgique), le Français d’origine marocaine de 26 ans n’est pourtant pas un client comme un autre. Il reste présumé innocent jusqu’à son procès. Mais son implication dans les attentats qui ont coûté la vie à 130 personnes à Paris, le 13 novembre 2015, ne fait déjà plus de doute pour les enquêteurs.
« Cet homme est un monstre ! » pense ainsi Patricia Correia, maman d’une victime de l’attentat du Bataclan. « Un monstre » qui a le droit, comme n’importe qui, à un avocat. « Si on fait du pénal, on ne doit même pas se poser la question de le défendre ou pas, estime Apolin Pepiezep qui a, de son côté, assisté Mehdi Nemmouche, l’auteur de la tuerie du musée juif de Bruxelles, lors de sa garde à vue. Cela ne veut pas dire qu’on cautionne ce que le client a fait… »
Les avocats peuvent invoquer leur « clause de conscience »
D’un point de vue déontologique, un avocat n’a pas le droit de refuser la défense d’un client. A moins de faire valoir ce qu’on appelle la « clause de conscience ». Les attentats de novembre ont violemment réveillé celle de Guillaume* qui a décidé, depuis, de ne plus accepter ce genre de dossier. « Assassins, pédophiles ou terroristes : je les voyais tous comme des êtres humains… »
Jusqu’au jour où il s’est rendu compte que l’un de ses clients était devenu un haut gradé dans les rangs de Daesh, après avoir purgé une peine en France pour «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». « A sa sortie de prison, j’ai réussi à alléger son contrôle judiciaire et faire annuler son interdiction de sortie du territoire. Je n’ai fait que mon boulot. Mais je l’ai aidé à partir en Syrie sans le savoir, confesse Guillaume. En l’apprenant je me suis dit ‘’C’est fini !’’ Je ne peux plus défendre un mec qui va revendiquer 160 morts dans deux ans. »
« Un vétérinaire doit savoir piquer un chien »
Dominique Many aussi s’est clairement posé la question. Avocat d’un candidat au djihad en Irak, il a posé une condition avant d’accepter le dossier. « Qu’il ne revendique pas le côté politique de ses actes », raconte-t-il. Parce que les conséquences peuvent être lourdes. « Déjà cela peut faire perdre une partie de la clientèle. Et puis, j’aurais craint des pressions sur mes proches, des menaces sur ma famille… »
Le genre de choses qui ne fait pas peur à Liliane Glock, l’avocate du Hamas ou encore du « Routard du crime », Francis Heaulme. « En 35 ans de barreau, je n’ai jamais eu d’états d’âme, assure cette avocate nancéenne. Si vous aspirez à devenir vétérinaire, il ne faut pas avoir peur de piquer un chien. Le tout, c’est de se préparer pour bien résister à la pression. » Sven Mary semble avoir entendu le conseil. S’il a confié qu’il s’attendait « à prendre des claques », il n’a pas l’air du genre à tendre l’autre joue.
* Le prénom a été changé