Quand la souffrance animale impacte la santé humaine
AGRICULTURE•La cruauté avec laquelle un animal est élevé et abattu n’est pas sans conséquence sur la santé de l’être humain qui le consomme...Céline Boff
Des images insoutenables. Les Français ont été profondément touchés par la diffusion d’une vidéo montrant des mauvais traitements infligés aux animaux dans un abattoir du Vigan (Gard).
Mais pas tous. Certains amateurs de viandes préfèrent fermer les yeux. Comme Warkeul, internaute de 20 Minutes, qui commente : « Ce n’est pas ça qui va m’empêcher de manger mes deux steaks par jour ». Reste qu’au-delà de l’éthique, la question est aussi sanitaire : la cruauté avec laquelle un animal est élevé et abattu peut-elle être sans conséquence sur la santé de l’être humain qui le consomme ?
« Mourir des suites d’une blessure mineure »
De nombreuses études ont démontré qu’un animal stressé donnera une viande trop sèche ou, à l’inverse, trop flasque, dont la consommation « peut entraîner des maladies type gastro-entérite, fièvres, complications rénales chez les jeunes enfants », note la journaliste Yolaine de la Bigne, fondatrice de Néoplanète.
La barbarie de l’élevage industriel est particulièrement montrée du doigt : « La zootechnie a mené les truies à mettre au monde près de 30 porcelets par an au lieu de 16, avec insémination, traitements hormonaux, raccourcissement du cycle, la truie étant “fouillée” avant terme : on va chercher les porcelets dans l’utérus avant même qu’elle n’ait eu le temps de mettre bas, car il y a tellement de porcelets que les derniers risquent de mourir étouffés avant de naître », explique Jocelyne Porcher, sociologue à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
Or, ces élevages sont la norme en Europe puisque « 80 % sont intensifs », assure Rikke Karlsson, eurodéputée danoise qui se bat pour la création d’un label « Bien-être animal et santé humaine ». Si l’élue lie ces deux notions, c’est parce que « l’entassement, l’ennui, les sélections génétiques et le stress » liés à l’élevage industriel « provoquent des maladies et donc une large consommation de médicaments chez les animaux », souligne l’association belge Végétik.
En mangeant des animaux gavés de médicaments, et notamment d’antibiotiques, les humains en ingèrent aussi. Et deviennent de plus en plus bio-résistants. Ce qui n’est pas sans conséquence, comme le souligne un rapport réalisé par le Centre d’études et de prospectives du ministère de l’Agriculture : « Les considérations les plus pessimistes nous invitent à nous préparer à un monde sans antibiotique à l’horizon 2030. Le directeur adjoint de l’OMS, Keiji Fuguda, estime que mourir des suites d’une infection banale ou d’une blessure mineure pourrait bientôt redevenir une réalité courante ».
L’abattage à la ferme
Bien sûr, certains animaux sont élevés dans les règles de l’art. Le nez à l’air et les pattes dans le pré. Mais le problème reste l’abattage. « Il y a une forte concentration dans ce secteur et les conditions sont de pire en pire. Même dans les petits abattoirs. Le désinvestissement de l’Etat, qui emploie de moins en moins de techniciens vétérinaires, n’arrange rien puisque ces lieux sont de moins en moins contrôlés », dénonce Jocelyne Porcher.
Alors, on arrête de manger de la viande ? « Non, on milite pour l’abattage à la ferme », répond la chercheuse. Pour l’instant, il est strictement interdit. Mais de plus en plus d’éleveurs le pratiquent, courant le risque d’être condamnés à six ans de prison et à une forte amende. « Ces agriculteurs ont fait grandir leurs animaux avec passion et patience et ils ne veulent plus voir ce travail réduit à néant avec une mise à mort indigne », poursuit Jocelyne Porcher.
Un combat difficile
Pour mener ce combat, Jocelyne Porcher participe à la création d’un collectif d’éleveurs, de chercheurs et d’associations, qui sera lancé dans une quinzaine de jours. Avec un objectif : convaincre les politiques. Ce qui ne sera pas si facile. « Généralement, le ministère de l’Agriculture est très actif pour lutter contre les textes de protection animale », assure la revue Sens-Dessous. Notamment ceux proposés par la Commission européenne.
Ce qui explique pourquoi la réglementation est pour l’heure si minimaliste. Elle dit par exemple qu’en cas d’élevage en cage, la surface minimale par poule doit être de 750 cm2, soit la surface d’une feuille A4 et d’une carte postale. Vous trouvez cela petit ? Sachez que si la décision a été adoptée en 1999, elle n’est appliquée que depuis le 1er janvier 2012…