«Sexe neutre»: La personne intersexuée a plaidé sa cause devant la cour d'appel d'Orléans
JUSTICE•Né avec « un micropénis » et « un vagin rudimentaire », Monsieur X. réclame à la justice le droit d’être ni homme, ni femme à l’état civil…Vincent Vanthighem
De notre envoyé spécial à Orléans (Loiret), Vincent Vantighem
Il a « angoissé » pendant trois jours. Finalement, l’audience devant la cour d’appel passée, Monsieur X. s’est réfugié dans la cathédrale d’Orléans (Loiret) pour reprendre son souffle en même temps que ses esprits. Monsieur X. ne souhaite révéler ni son nom ni son visage. Né selon son médecin avec un « vagin rudimentaire » et un « micropénis », Monsieur X. est une personne intersexuée qui réclame le droit de faire apposer la mention « sexe : neutre » sur son état civil. Car il n’est ni homme ni femme.
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Après avoir obtenu gain de cause devant le tribunal de Tours (Indre-et-Loire) en août 2015, cette personne qui porte un prénom masculin a plaidé sa cause, durant deux heures ce vendredi, devant la cour d’appel d’Orléans, la première décision ayant fait l’objet d’un appel du ministère public.
« Nous nous sommes sentis écoutés »
Pour l’occasion, chose rare, le premier président de la cour d’appel avait réuni autour de lui, dans une audience à huis clos, six magistrats issus de deux chambres différentes (civile et familiale). Preuve que l’affaire est prise très au sérieux par l’institution judiciaire. « Les magistrats avaient vraiment très longuement étudié le dossier, a réagi, à l’issue de l’audience, Mila Petkova, l’avocate de Monsieur X. Nous nous sommes sentis écoutés » Mila Petkova, l’avocate de Monsieur X. V.VANTIGHEM/20 MINUTES
Monsieur X. le pense aussi. « Ils m’ont interrogé pendant dix à quinze minutes peut-être, confie-t-il en exclusivité à 20 Minutes. Ils m’ont posé des questions vraiment pertinentes. » Ce sexagénaire qui est marié et papa d’un fils adopté a donc, de nouveau, raconté à la barre la découverte de sa particularité à l’âge de douze ans, le traitement hormonal qu’on lui a imposé plus tard pour le faire « devenir » garçon et le problème que lui pose son absence de vie sexuelle.
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« La preuve qu’on peut vivre avec deux sexes »
« Je ne suis pas de sexe masculin ni de sexe féminin, je suis une personne intersexuée, répète-t-il. La première décision de justice a tout changé pour moi. J’ai eu le sentiment d’être enfin reconnu par la société tel que je suis. On verra ce que dira la cour d’appel… »
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Lors de l’audience, le représentant du ministère public a demandé que la décision du tribunal de Tours soit infirmée, estimant que le droit actuel ne permettait pas de classer quelqu’un dans une autre case civile que « homme » ou « femme » et renvoyant, par la même occasion, ce débat devant les parlementaires.
« Après la première décision, j’ai été surpris de l’ampleur que prenait ce sujet dans l’opinion publique, poursuit encore le demandeur. Contrairement aux enfants qui naissent aujourd’hui comme moi, je n’ai jamais été opéré de mon intersexualité. Je suis donc, d’une certaine manière, une preuve rare et indubitable que l’on peut vivre avec les deux sexes. Et je me sens donc investi d’une mission pour qu’on le reconnaisse. »