Etat d'urgence: Le Conseil d'Etat suspend une assignation à résidence
SÉCURITÉ•Le Conseil d'Etat a suspendu pour la première fois une assignation à résidence décrétée dans le cadre de l'état d'urgence...20 Minutes avec AFP
C’est une première depuis le début de l’état d’urgence, après les attentats du 13 novembre 2015. Le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu ce vendredi l’assignation à résidence d’un homme à Vitry-sur-Seine, près de Paris, depuis le 15 décembre 2015. Le Conseil d’Etat a condamné l’État à lui verser 1.500 euros. C’est la première fois qu’une assignation à résidence est annulée par cette institution.
« Le juge des référés du Conseil d’État suspend une assignation à résidence. Communiqué à venir. — Conseil d’État (@Conseil_Etat) January 22, 2016 »
Il rendait visite à sa mère
Pour justifier l’assignation à résidence de Halim A., les autorités affirmaient en particulier qu’il avait été signalé le 13 mai 2015, prenant des photos aux abords du domicile d’un journaliste de Charlie Hebdo. Le Conseil d’État, qui a, chose rare, consacré deux audiences au dossier, a établi que l’homme rendait visite à sa mère, habitant « à proximité immédiate ».
Par ailleurs l’intéressé avait utilisé son téléphone sur le mode haut-parleur, plus commode parce qu’il avait son casque de scooter sur la tête. Une position qui a donc été « confondue avec celle d’une personne prenant des photographies ».
Autre accusation, sur la base de « notes blanches » des services de renseignement, ni datées ni signées : Halim A. aurait été mis en cause dans un trafic de voitures de luxe animé par des membres de la mouvance islamiste. Il avait en fait été « entendu comme témoin » en 2008 dans ce dossier dont rien ne prouve avec certitude qu’il est lié à l’islamisme radical, assènent les juges administratifs.
Une assignation « illégale »
La plus haute juridiction administrative a jugé que le ministère de l’Intérieur n’avait donc pas apporté assez d’éléments montrant que cet homme serait un islamiste radical représentant une « menace grave », et a estimé que, dans ces conditions, l’assigner à résidence était « illégal ».
Cette suspension « a été obtenue au prix d’une mobilisation non-stop, pendant plusieurs jours, pour démonter l’arbitraire », ont raconté à l’AFP les avocats de l’intéressé, William Bourdon et Vincent Brengarth. Et de comparer les notes blanches à des « lettres de cachet », permettant de « criminaliser qui on veut, comme on veut, quand on veut ».
Pour eux, la décision, « très sévère », « illustre la pertinence des inquiétudes de celles et ceux, nombreux, qui tirent la sonnette d’alarme sur le brutal virage sécuritaire dans notre pays ».
Halim A. avait été assigné à résidence avec obligation de pointer trois fois par jour au commissariat, interdiction de quitter son domicile la nuit, et de quitter la commune la journée sans un sauf-conduit du préfet de police.
Gérant d’une société de dépannage de deux roues à Paris, il avait contesté cette mesure devant le tribunal administratif de Melun, en vain, et ensuite saisi le Conseil d’État.
381 assignations depuis le 14 novembre
Selon un bilan dévoilé le 13 janvier par le président de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale Jean-Jacques Urvoas, 381 assignations à résidence ont été prononcées dans le cadre de l’état d’urgence depuis le 14 novembre 2015.
L’assignation à résidence d’un jeune homme de 21 ans a été suspendue jeudi par le tribunal administratif d’Orléans.