Opération militaire Sentinelle: «Les Français ne comprendraient pas qu’on les protège mieux au Mali qu’à Paris»
INTERVIEW•Le général Jean-Pierre Bosser, chef d’Etat-major de l’armée de terre, dresse en exclusivité pour «20 Minutes» le bilan de l'opération près d'un an après son lancement...Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud
Le général Jean-Pierre Bosser, chef d’État-major de l’armée de terre a répondu en exclusivité à 20 Minutes ce jeudi. Le patron de l’armée de terre assistait ce jeudi après-midi au fort militaire de Vincennes à une remise de médailles de 70 militaires ayant participé à la mission Sentinelle mise en place au lendemain des attentats de janvier. Cette opération militaire intérieure mobilise 10.500 militaires sur le territoire, dont 6.500 en Ile-de-France et 2.500 dans Paris.
Que représente l’opération Sentinelle aujourd’hui ?
Environ 70.000 militaires ont participé à l’opération Sentinelle, c’est-à-dire deux tiers de l’armée de terre. C’est très important pour les Français, depuis les attentats du 7 janvier [à Charlie Hebdo] et du 13 novembre. Sur 70.000 militaires, environ 50.000 militaires ont assuré la protection des Franciliens.
Que répondez-vous aux critiques sur les limites atteintes par l’armée de terre dans cette opération ?
L’armée professionnelle de terre aura 20 ans en 2016. Elle s’est construite sur la projection [à l’étranger], sur les opérations extérieures. Il n’est pas anormal que 20 ans après, quand la menace évolue tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, on se retourne vers le territoire national. Les Français ne comprendraient pas qu’on les protège mieux à Gao [au Mali] qu’à Paris. Le président de la République nous a donné 11.000 hommes pour équilibrer cette mission de protection au plus loin comme au plus près. On est dans une phase critique car ces hommes, il faut les recruter et les former. Dans un an et demi, on aura équilibré ces effectifs. Je crois que cette mission de protection, elle nous revient. Les forces armées, et l’armée de terre, sont faites pour protéger le territoire national et les Français.
Que souhaiteriez-vous changer au dispositif actuel ?
Nous avons le sentiment que la menace sur le territoire national peut frapper quand elle veut et où elle veut. On aimerait donc avoir des patrouilles plus mobiles, et un dispositif Sentinelle qui soit moins statique, "moins planté" devant des bâtiments à garder dont je ne nie pas l’importance. Imaginons que le 13 novembre au soir, les terroristes aient rencontré une patrouille de chez nous, les choses auraient peut-être tourné autrement. Je dis que l’incertitude doit changer de camp. Et s’il y a une probabilité que l’ennemi se retrouve face à la police, face aux militaires, il faut la jouer.
Comment envisagez-vous de recruter 11.000 soldats au cours des deux prochaines années ?
On envisage bien 2016 car nous avons beaucoup de volontaires, et donc pas de problème de recrutement, au contraire d’autres armées européennes.
Le 18 novembre, durant l’assaut de la police d’un appartement occupé par des terroristes à Saint-Denis, des militaires étaient sur le terrain…
Ces militaires assuraient la protection élargie du dispositif [policier]. Les militaires ne sont pas là pour faire la mission des forces de sécurité intérieure, et je n’ai pas l’intention de me substituer à la police et à la gendarmerie. En revanche, on peut offrir un complément, et cela a été le cas à Saint-Denis avec la police. On a assuré ce dispositif avec des armes que les gens qui nous veulent du mal ont. C’est cela qu’il faut intégrer. Ces personnes qui nous veulent du mal, elles sont armées, entraînées, et équipées comme des soldats.