Attentats à Paris: Quel effet le 13 novembre a-t-il eu sur les jeunes endoctrinés du djihad?
TERRORISME•Les attaques de Paris ont des conséquences très variées sur les jeunes qui se trouvaient déjà sous l’emprise de Daesh le 13 novembre…Florence Floux
Un mois après les attentats du 13 novembre, passées l’émotion et les premières questions sur l’enquête, reste une interrogation : comment limiter l’embrigadement djihadiste pour éviter que de nouvelles attaques se reproduisent ? C’est à cette question que le Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI) essaie tant bien que mal de répondre, en déradicalisant des jeunes signalés par leurs familles.
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« Une preuve divine »
Depuis le 13 novembre, les appels au CPDSI se sont multipliés. Des parents contactent l’équipe parce qu’ils s’inquiètent de la réaction de leur jeune. Avant les attentats, l’ado ou le post-ado présentait déjà des signes d’endoctrinement : une obsession très soudaine pour le Coran, une fascination pour certaines théories du complot, la rupture avec son groupe d’amis ou l’école… Mais le voir se réjouir le soir du 13 novembre a eu l’effet d’un électrochoc. « Ils le trouvaient déjà bizarre avant, mais les derniers événements sont une révélation pour eux », explique le psychiatre Serge Hefez, qui supervise les prises en charge du CPDSI.
« Des dizaines de familles ont fini par parler avec ces attentats, appuie Dounia Bouzar,* anthropologue au CPDSI. C’est très difficile pour elles, il faut gérer des crises et parler à leur enfant à leur place, car elles n’y arrivent plus. »
Les attaques de Paris ont parfois précipité l’engagement. « Pour les embrigadés, les attentats constituent une preuve divine » qui leur donne raison, continue Dounia Bouzar. Des «Véridiques», comme ils se surnomment - ceux qui détiennent la Vérité - cherchent donc à partir en Syrie rejoindre les rangs des djihadistes rapidement. C’est ce qu’a fait une jeune fille, à la suite d’une dispute avec sa mère sur les attentats. « Elle est partie pendant la nuit, sans rien dire », explique Dounia Bouzar.
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« Faire le deuil de Daeshland »
La violence des événements en a pourtant guéri plusieurs. « Leur château de cartes s’est écroulé, ils font le deuil de «Daeshland», indique Dounia Bouzar. Ils entrent alors dans une phase de dépression et se demandent comment ils ont pu y croire. » Serge Hefez décrit des jeunes en crise de nerfs, dépassés par les événements, qu’il faut hospitaliser d’urgence.
Pour d’autres qu’on pensait sauvés, les attentats peuvent provoquer une rechute. Le Centre contacte ainsi tous les « anciens » pour savoir comment ils vont et s’ils ont «replongé». Pour l’anthropologue, l’organisation de l’Etat islamique laisse de toute façon des traces indélébiles : « Un jeune même désembrigadé ne redevient jamais la personne qu’il était avant Daesh. Certains parents nous disent qu’ils auraient préféré que leur enfant meurt, parce que le travail de deuil aurait été plus simple. »
*Auteure de Comment sortir de l'emprise «djihadiste», Ed. de l'Atelier.