Attentats à Paris: Le juge Marc Trévidic a «l’impression d’être sur la touche»
TERRORISME•L'ex-magistrat antiterroriste, aujourd'hui à Lille, souhaite que la loi évolue pour qu'il puisse revenir sur les dossiers «terro»...W.M.
Ce n’est pas un scoop, la galerie Saint-Eloi lui manque. C’est à nouveau ce qui transparaît dans une interview accordée au Monde. L’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic revient longuement sur son parcours et sa réaction lors des attentats à Paris et Saint-Denis du 13 novembre.
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Le magistrat est devenu en septembre dernier premier vice-président du tribunal de grande instance de Lille après dix ans de spécialisation dans l’antiterrorisme à Paris. Et depuis les attentats, il est omniprésent dans les médias et s’est régulièrement dit prêt à revenir sur son terrain de prédilection.
« L’impression d’être sur une autre planète »
« Quand on m’a appelé au parquet antiterroriste en 2000, et que l’on m’a confié l’islam radical parce que les autres magistrats n’étaient pas intéressés et préféraient faire du corse du basque, eh bien cela m’a passionné. La matière, l’univers, les pays concernés, les aspects géopolitiques, historiques, religieux… Cela ouvrait sur bien d’autres horizons que le droit. J’ai plongé dans le sujet, je me suis documenté, j’ai lu comme un fou », détaille-t-il au Monde.
Il reconnaît que le « terro » peut se comparer à une drogue. « On y est constamment sous pression et avec de telles poussées d’adrénaline, que lorsque ça s’arrête, oui, la descente est douloureuse. Et la décompression dure à avaler. Votre système nerveux tournait à 150 à l’heure depuis des années et tout d’un coup, pfttt… C’est brutal. C’est ce qui m’est arrivé cet été, quand j’ai quitté mes fonctions. Et aujourd’hui que je suis installé à Lille, j’ai l’impression d’être sur une autre planète, presque quelqu’un d’autre. […] Les attentats de Paris m’ont cueilli de plein fouet », confie-t-il.
Revoir la loi
Il a le sentiment « d’être sur la touche ». « C’était déjà difficile de décrocher de l’antiterrorisme par temps calme, mais quand il se produit un événement aussi majeur que celui-là, c’est terrible », ajoute-t-il, assumant la frustration de ne pas pouvoir revenir « aux affaires ».
En effet, une loi empêche les juges spécialisés d’occuper les mêmes fonctions pendant plus de dix ans. « Je pense qu’une réflexion s’impose et qu’il faut faire évoluer cette loi », estime le magistrat. « Le temps qu’un collègue reprenne une affaire, le dossier peut prendre deux ans dans l’aile alors qu’il était bouillant. »