Qui est Rachid Abou Houdeyfa, l'imam salafiste quiétiste de Brest?
PORTRAIT•La mosquée de cet autoproclamé «simple prédicateur» et star du Web 2.0 a été perquisitionnée ce vendredi...B.D. avec AFP
Plus d’une centaine de membres des forces de l’ordre déployées pour « des vérifications ». Ce vendredi matin, une perquisition administrative a été menée à la mosquée Sunna, dans le quartier de Pontanézen à Brest. Ce lieu de culte est dirigé par Rachid Abou Houdeyfa, imam salafiste quiétiste star des réseaux sociaux et dont certains propos ont déjà fait polémique.
Le préfet du Finistère, Jean-Luc Videlaine, a indiqué que « personne n’a été interpellé ». Sur la page Facebook d’Abou Houdeyfa, un communiqué de l’administration du Centre culturel et islamique de Brest a été publié ce vendredi matin, indiquant que la perquisition « s’est déroulée en présence d’un membre de l’association et dans un respect total du lieu du culte sans aucun incident à déplorer », et que « rien n’a été relevé ni récupéré comme éléments condamnables ».
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Les responsables appellent par ailleurs « la communauté musulmane à la plus grande sérénité et à la collaboration avec les autorités », car « c’est ainsi que les amalgames et les calomnies seront dissipées et la confiance mutuelle restaurée ». L’imam Houdeyfa - « simple prédicateur depuis 2002 », « ni savant, ni "mufti" », comme il se présente sur son site Internet- doit d’ailleurs prononcer ce vendredi un « prêche en français concernant les derniers événements et les éclaircissements sur la situation actuelle », comme dans de nombreuses autres mosquées, a-t-il indiqué sur sa page.
Dès samedi, ce salafiste quiétiste -courant de l’islam hyperconservateur mais qui refuse toute forme de violence, y compris le djihad-, qui a pris la tête de la mosquée Sunna après l’expulsion pas les autorités du prêcheur Abdelkader Yahia Cherif en 2004, avait condamné les attentats de Paris. Il martelait ainsi que ces actes « inqualifiables » et « barbares », « commis par des terroristes », n’ont « rien à voir avec l’islam » dans une vidéo publiée sur son compte YouTube et visionnée près de 29.000 fois.
Star du Web 2.0
Car le jeune prédicateur -il est né en 1980- fait partie des « imams 2.0 » -au côté des Nader Abou Anas, Mehdi Kabir, Abou Abdillah et consorts-, qui font passer leur message religieux via Twitter, Facebook ou YouTube. Et à ce jeu-là, Rachid El Jay -son patronyme de naissance- est un cador : plus de 10.500 followers sur Twitter, plus de 183.000 fans sur Facebook, plus de 89.000 abonnés sur sa chaîne YouTube.
C’est d’ailleurs dans l’une de ces vidéos, postée il y a plus d’un an sur internet avant d’en être retirée, qu’il explique à des enfants que « la musique fait naître le mal, l’hypocrisie, les choses mauvaises » et que « celui qui écoute de la musique (…) il y a un risque qu’Allah le transforme soit en porc soit en singe », ce qui avait fait polémique. L’imam avait par la suite affirmé sur son site que ses « propos concernant la transformation portaient sur une métaphore » et n’étaient « pas à prendre au premier degré ».
« Ne pas laisser la place » à Daesh
Dans un article de L’Obs consacré à Ces inquiétants imams YouTube, le Français d’origine marocaine qui a grandi dans le quartier brestois de Pontanezen et s’est essayé au rap dans sa jeunesse explique cependant : « Je n’écoute pas de musique par conviction religieuse, mais jamais je n’ai dit qu’il fallait empêcher les autres d’en écouter ! » Il souligne ensuite qu’il a « toujours condamné toute forme de violence » et reçoit même « des messages de mort de Daesh car [il] condamne leur djihad ».
Il précise qu’il utilise le Web pour diffuser ses prêches pour « ne pas laisser la place » à Daesh, qui recrute sur ces canaux. Dans le documentaire Djihad 2.0, diffusé en avril sur La Chaîne Parlementaire, le djihadiste franco-sénégalais Omar Omsen, considéré comme l’un des principaux recruteurs de Français pour la zone syro-irakienne présentait Abou Houdeyfa comme l’exemple même des imams « pantins de la République ». Pourtant, comme l’explique la chercheuse Dounia Bouzar à L’Obs, « quand je regarde l’historique de navigation [de jeunes qui ont été endoctrinés par Daesh], je retrouve des vidéos de ces imams ».