REPORTAGEAssaut à Saint-Denis: Pour certains riverains, «c'est malheureux, ça rajoute une couche»

Assaut à Saint-Denis: Pour certains riverains, «c'est malheureux, ça rajoute une couche»

REPORTAGECe mercredi, alors que l’assaut policier contre un appartement de Saint-Denis est donné, des riverains réagissent à d’éventuelles répercussions sur l’image de la commune…
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

A quelques mètres du périmètre de sécurité, le bistrot de l’Escargot, à Saint-Denis, est en ébullition. Les clients font des va-et-vient, tandis que la radio crache les dernières nouvelles de l’assaut policier contre un appartement de cette ville de Seine-Saint-Denis. Il vient de s’achever. Le bilan tombe : deux personnes retranchées dans ce logement de la rue du Corbillon sont mortes - une femme qui s’est fait exploser et un suspect dont l’identité reste à déterminer. Sept personnes ont aussi été interpellées.

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Entre deux gorgées d’arabica, Mehdi, la trentaine, gamin du quartier, commente la situation le coude sur le zinc. « Ça aurait pu arriver partout. Mais l’assaut tombe ici. C’est malheureux », explique-t-il, en jouant avec sa cigarette. « Ça rajoute une couche à cette ville déjà pauvre et touchée par le chômage », poursuit-il.

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« L’image de Saint-Denis a toujours été négative »

Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, a tenu dans la matinée à défendre l’image de la Seine-Saint-Denis, qu’il a dirigée de 2008 à 2012. « Il ne faut pas qu’on établisse de lien entre les classes populaires, les banlieues populaires et ces terroristes qui n’ont rien à voir avec ces populations qui n’aspirent qu’à vivre normalement », a précisé au micro d’Europe 1 le candidat aux élections régionales en Île-de-France. Pour Abderrazek, 32 ans, habitant de Saint-Denis depuis « plus de 15 ans », cet événement ne changera pas grand-chose à la réputation de la ville.

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« L’image de Saint-Denis a toujours été négative. J’ai galéré comme tout le monde, avec des tas de petits boulots. Mais voilà, j’ai un Master 2 en expertise, concertation et communication Environnement et, avec mon nom à consonance étrangère… », s’arrête le jeune homme, dépité. « Après, d’un point de vue plus général, c’est la surenchère, contre le monde arabe. Je suis de confession musulmane, oui. Je vais prier à la mosquée, oui. C’est bien, d’entendre des politiques dire qu’ils sont avec les musulmans mais franchement, personnellement, je me demande si ce n’est pas encore de la politique politicienne de récupération… Ce qu’il s’est passé vendredi soir, ça aurait pu arriver à n’importe qui : les terroristes veulent viser la société civile ». Dans un immeuble près de la rue du Corbillon, un couple a toutefois peur de certaines répercussions dans cette commune à laquelle ils sont très attachés.

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« C’est le racisme et la haine du 93 qui va s’amplifier »

Jean-Paul a 58 ans. Sylvie a 37 ans. Ils vivent ici depuis des dizaines d’années et ont été réveillés ce mercredi par les coups de feu. « Saint-Denis est une belle ville. Souvent les gens nous disent pourquoi vous ne déménagez pas ? Mais moi, je ne bougerai jamais de Saint-Denis. J’y suis bien », sourit cette femme. « Mais cette histoire ne changera rien. Cette ville, ça fait bien longtemps qu’elle est desservie », soupire-t-elle.

Accoudé à son balcon surplombant la ville et le cordon de sécurité, Jean-Paul, reprend : « Je pense que c’est surtout le racisme qui va s’amplifier et la haine du 93 de la part du reste de la France. Alors que nous sommes des gens tranquilles. On fait nos courses le samedi. Vraiment, on n’est pas des méchants », appuie-t-il, les yeux dérivant sur le Stade de France.