TEMOIGNAGESSyrie: Comment les familles des djihadistes français vivent-elles les bombardements?

Syrie: Comment les familles des djihadistes français vivent-elles les bombardements?

TEMOIGNAGESJean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, a annoncé, ce lundi, que l’armée française avait procédé à un nouveau bombardement en Syrie…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

«On attend toujours le coup de fil fatidique… » Comme tous les parents de jeunes Français partis faire le djihad en Syrie, Valérie vit très difficilement, depuis un mois, la multiplication des annonces de bombardements français sur les camps de Daesh. Cela fait près de deux ans maintenant que sa fille vit dans l’un de ses camps avec son mari et l’enfant à qui ils ont donné la vie. « On découvre les bombardements dans les journaux. Et si on n’a pas de nouvelles depuis quelques jours, on se dit ‘’Ca y est, il est mort…’’», abonde Véronique, la maman de Guillaume* parti, lui, en septembre 2014.

Portrait : Comment Guillaume est devenu Ali dans les rangs de Daesh

Lundi, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, a annoncé que la France avait bombardé, pour la troisième fois depuis le 27 septembre, en Syrie. Après avoir visé deux camps d’entraînement, l’armée française a, cette fois-ci, ciblé un centre d’approvisionnement pétrolier dans la région de Deir Ezzor, dans l’est du pays. « En un an, Guillaume ne m’a de toute façon jamais précisé dans quel coin il se trouvait exactement… », se désole Véronique.


La France a bombardé Daesh dans le secteur de Deir Ezzor dans l’Est de la Syrie - Google

« Ces derniers temps, on n’a pas beaucoup de nouvelles… »

A chaque fois, c’est donc le même rituel qui s’instaure. Les parents scrutent leur téléphone portable dans l’attente d’un signe sur les plateformes What’s App, Skype, Messenger ou simplement par texto. « Le conflit se durcit, poursuit Valérie qui regroupe des parents dans son association ‘’Malgré eux’’. Ces derniers temps, on n’a pas beaucoup de nouvelles de nos enfants… » Et quand ils en ont, difficile de savoir exactement ce qu’ils ressentent. « Ma fille est surveillée, poursuit-elle. Elle change régulièrement de système pour donner des nouvelles. Et elle n’évoque jamais les difficultés qu’elle rencontre. »



Véronique témoigne de sa situation dans une vidéo - Stop Djihadisme

Véronique, elle, a bien tenté d’en savoir un peu plus les rares fois où son fils a pu entrer dans un ‘’café internet’’. Sans succès non plus. « J’ai témoigné dans une vidéo pour alerter sur la situation, rappelle-t-elle. J’en ai discuté avec Guillaume à ce moment-là. Mais, il m’a simplement répondu : ‘’Maman, tu es manipulée par le gouvernement ! Tu fais une vidéo aujourd’hui avec eux et demain, ils vont nous bombarder !‘’»

«Ces bombardements, c’est de la poudre aux yeux »

François Hollande a, en effet, ouvert la voie, la semaine dernière, à un élargissement des bombardements français. En plus des camps d’entraînement, le chef de l’Etat a évoqué son intention de frapper « tous les lieux à partir desquels le terrorisme pourrait menacer notre territoire ». Ce faisant, il a annoncé le déploiement prochain du porte-avions Charles-de-Gaulle dans la région afin d’intensifier l’offensive française.



L’armée de l’air a diffusé la vidéo de frappes en Syrie, le 9 octobre 2015

« J’ai quand même du mal à comprendre, lâche Valérie. La France se met à bombarder maintenant. Mais pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant que nos enfants ne partent là-bas ? » Pour Véronique aussi, cette opération ressemble surtout à de la « poudre aux yeux ». « Je pense que ces bombardements tuent des civils et je ne suis pas sûre que cela change quelque chose au final… »

Selon un dernier bilan du ministère de l’Intérieur, révélé en août par Le Monde, près de 500 Français sont actuellement engagés dans les rangs de Daesh en Syrie. Et au moins 126 ont déjà trouvé la mort dans le conflit.