Harcèlement dans les transports: «Je me fais discrète et je me taille»
VOUS TEMOIGNEZ•Ces internautes ont assisté à des scènes d’agression et n’ont pas réagi. Ils expliquent pourquoi…Charlotte Murat
«Je me suis fait agresser dans le métro lillois il y a une dizaine d’années et personne n’a bougé, alors que la rame était bondée. J’ai même surpris un homme en train de rire. Bizarrement, j’ai oublié le visage de ceux qui m’ont agressée, mais je me souviens encore très bien de celui qui a ri. » L’histoire de Marie, c’est l’histoire de centaines de femmes.
D’une simple remarque sexiste aux violences physiques, le harcèlement a concerné au moins une fois dans leur vie 100 % des femmes utilisant les transports en commun, rappelait un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) remis en avril. Pourquoi personne n’est venu en aide à Marie ? Cette internaute n’en sait rien. « Peut-être que certains ont pensé que c’était de ma faute. Peut-être qu’ils ont eu peur de se prendre un coup. » Pour tenter de comprendre ce qui retient les usagers témoins de harcèlement d’agir, et à l’occasion du lancement de la nouvelle campagne d’affiches du gouvernement, nous avons posé la question sur la page Facebook de 20 Minutes.
Découvrez les affiches contre le harcèlement des femmes dans les transports
« J’ai failli me faire taper dessus alors que je voulais intervenir »
Soyons honnêtes, les internautes sont plus prompts à raconter leurs histoires de sauvetage que leurs moments de faiblesse. Denlop avoue n’avoir jamais été confronté à une telle situation, mais il ne sait pas comment il réagirait si c’était le cas : « On ne peut pas savoir l’attitude qu’on aurait. Sauf si tu mesures 2 m et que tu pèses 120 kg de muscles. » Mathilde pointe carrément la crainte. « J’ai déjà failli me faire taper alors que je voulais intervenir, raconte-elle. Depuis, j’ai peur d’être la seule à intervenir. » « La plupart des gens attendent qu’il y en ait un qui se dévoue pour défendre la personne. Après, tout le monde bouge », avance J.-Pierre. Cyril, lui, n’a pas su que faire. « J’avais remarqué un homme qui prenait discrètement des photos d’une femme assise sur un strapontin dans le métro et qui était plongée dans son livre. L’homme est descendu à la station suivante, je n’ai donc pas vraiment eu le temps de réagir. Mais que faire dans un cas pareil ? Provoquer un scandale dans la rame ? Ou ne rien faire car la femme n’en saura jamais rien et que c’est peut-être mieux ainsi ? »
Il y a ceux qui ne savent pas quoi faire, et ceux qui refusent d’intervenir. De nombreux internautes, à l’instar de Dante ou de Jennifer, avancent le risque judiciaire qu’ils encourraient en cas d’intervention un peu trop musclée. « C’est compliqué parce que l’agresseur peut porter plainte contre vous », croit savoir Jennifer. C’est ce qui s’était par exemple passé en 2012, après une agression antisémite dans un train Toulouse-Lyon. « Au lieu de chercher à changer les gens, il faut changer les lois », ajoute Dante. Monica, elle, ne cache pas détourner les yeux volontairement : « J’ai trois enfants et je veux rentrer chez moi pour les voir. Alors, je me fais discrète et je me taille. » Enfin, il y a ceux qui ont été échaudés par une première expérience malheureuse. « La première fois que j’ai vu une femme se faire harceler dans les transports, je suis intervenu, se souvient Johnny. Mais c'est alors que l’agresseur et la victime se sont ligués contre moi. J’ai appris par la suite que c’était un couple qui se disputait en public. Depuis, je n’interviens plus et je comprends les gens qui ne veulent pas intervenir, quelle que soit leur raison. »
>> Vous non plus vous n’avez pas su ou pas voulu intervenir ? Expliquez-nous pourquoi dans les commentaires.