Drogue: La « démocratisation » de la cocaïne en trois points
SOCIETE•La poudre blanche connaît un succès croissant auprès des consommateurs français...C.P.-R.
Elle occupe la deuxième place du podium. Talonnant le cannabis, la cocaïne représente pas moins de 38 % du marché des stupéfiants en France, d’après une étude révélée mardi par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Pis encore, entre 2005 et 2010, le chiffre d’affaires lié aux ventes de la « C » a doublé, passant de 488 à 902 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d’euros, toutes substances illicites confondues. D’après David Weinberger, l’un des trois chercheurs de l’INHESJ ayant participé à cette étude, trois facteurs expliquent cette augmentation fulgurante.
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Les cartels latino-américains inondent le marché européen
A l’origine de l’envolée de la cocaïne sur le marché français, il y a d’abord le changement de stratégie adopté par les cartels latino-américains, principaux fournisseurs de poudre blanche. Face à un marché nord-américain « saturé », les producteurs de cocaïne ont choisi « dès 2000-2005, de viser le marché européen, qui dispose d’un fort pouvoir d’achat », indique David Weinberger.
Concrètement, les trafiquants ont fortement augmenté les « quantités de drogue envoyées d’Amérique du sud vers l’Europe », précise le rapport. Avec des points de transit privilégiés via l’Espagne, les Pays-Bas et l’Europe de l’Est.
Il faut dire que l’affaire est bien plus rentable : « En Europe, où le kilo de cocaïne se vend en moyenne 50.000 dollars, le prix de vente est plus élevé qu’en Amérique du Nord où il s’achète à 35.000 dollars », détaille le chercheur.
Le rail de coke à un tarif accessible
Cette inondation du marché européen a entraîné une « diminution du tarif de la cocaïne, divisé par trois en l’espace de 15 ans », poursuit David Weinberger. Longtemps réservé à une élite de consommateurs pouvant s’offrir un gramme à 150 euros (en 1990), le gramme de cocaïne s’achète de nos jours pour 65 euros, voire moins.
« Sur les 20 dernières années, on n’a jamais vu une telle diminution de prix d’un produit illicite », souligne ce spécialiste du trafic de stupéfiants. Une chute de prix spectaculaire, qui rend la poudre plus accessible et participe à sa « démocratisation » auprès des usagers, réguliers ou ponctuels.
Désormais, « les populations les moins aisées peuvent s’offrir de la cocaïne », participant ainsi « à une diminution des écarts de consommation entre femmes et hommes, riches et pauvres, urbains et ruraux », résume-t-il. En bref, en l’espace d’une quinzaine d’années, la « blanche » a élargi ses horizons, loin de son image de « produit exclusif au milieu festif ».
Une drogue dans l’air du temps
« Il y a une tolérance accrue de la population vis-à-vis de la cocaïne », avance le chercheur qui estime que la poudre blanche bénéficie d’une image plutôt positive dans l’imaginaire collectif. La « C » est notamment « associée à des héros de films ». Tony Montana dans Scarface ou plus récemment le financier Jordan Belfort, campé par Leonardo Di Caprio, dans le Loup de Wall Street… « On a l’image d’un produit stimulant qui permet de faire beaucoup de choses, de décupler son énergie. A l’inverse de l’héroïne, par exemple, qui va être associée à une situation d’exclusion sociale et d’échec personnel », analyse David Weinberger.
Et la tendance ne semble pas près de fléchir. Même si le nombre de Français ayant déjà « sniffé » de la coke au moins une fois (2,2 millions) demeure relativement peu élevé, le nombre de tonnes consommées en France est passé de 8 à 15 entre de 2005 et 2010.
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