INTERVIEWDroit et guerre: «Clairement, le militaire français ne défouraille pas à tout va»

Droit et guerre: «Clairement, le militaire français ne défouraille pas à tout va»

INTERVIEWC’est ce que confie le général français Barrera, ancien commandant de la brigade Serval, alors que la Défense organise un colloque sur le droit et les opérations extérieures…
Anne-Laëtitia Béraud

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Le droit au cœur de la guerre. Depuis trente ans, le droit concernant les conflits armés s’est considérablement enrichi pour répondre aux nouveaux types de guerres et aux ennemis « caméléons ». Pour comprendre ces évolutions, le ministère de la Défense organise un colloque « droit et opérations extérieures », lundi et mardi à Paris. Les débats, qui rassemblent des militaires, des juristes, des avocats et une diplomate, vont répondre aux questions telles que les nouvelles zones de guerre ou la responsabilité pénale et la protection statutaire des militaires. Le général Bernard Barrera, ancien commandant de la brigade Serval au Mali, a répondu à 20 Minutes sur ces questions spécialisées…

Comment le droit atteint le soldat français engagé dans un conflit ?

Les militaires ont un cadre légal clair pour les opérations. Sur le terrain, on a des règles d’engagement qui nous viennent de Paris. Ces règles sont ensuite déclinées localement pour que les chefs militaires sachent dans quel cadre ils peuvent utiliser la force, faire face à des prisonniers, à des enfants-soldats ou des explosifs par exemple…

Depuis quand ces règles d’engagement sur les théâtres d’opération sont aussi précises ?

On a toujours eu des règles d’engagement mais depuis une vingtaine d’années, le cadre légal est très prégnant cela nous permet d’étudier tous les cas de figure. Désormais, il y a des conseillers juridiques auprès des généraux qui commandent une brigade. Ces adjoints [militaire ou civil] sont l’interface entre le droit et le militaire. Ils permettent de dire précisément les règles d’engagement, de ce que l’on peut faire et ne pas faire. Durant l’opération Serval, j’ai eu un conseiller juridique qui m’aidait à traduire les règles d’engagement données par Paris en mesures compréhensibles par chaque soldat sur le terrain.

Que faisaient les militaires français face aux enfants soldats durant l’opération Serval ?

Le militaire français fait attention dans l’utilisation de la force, notamment face à des enfants soldats. Dans le cas de l’opération Serval [que ce général commandait], nous savions que nous pourrions être face à ces enfants, et nous avions donc des règles d’engagement pour eux. Il fallait les protéger avant de les remettre aux autorités maliennes sur le territoire malien. Après, ils ont été suivis et ont fait l’objet d’un stage de réadaptation organisé par les Nations unies.

Est-ce difficile de respecter le droit quand on est sur un théâtre de guerre éloigné de tout ?

Ces règles, qui tiennent compte du terrain et de l’intensité de la violence, nous offrent un cadre sur ce que l’on peut et ne pas faire.

Ces règles permettent-elles de tirer « sur tout ce qui bouge » ?

Le militaire français fait attention à maîtriser la violence. Il utilise avec la force avec proportionnalité et en s’adaptant à l’ennemi en face de lui. Clairement, il ne défouraille pas à tout va. Et même si on en avait le droit, le but n’est pas de défourailler : On fait du tir pour détruire celui qui est en face et qui veut vous tuer.

Ces règles s’adaptent à chaque théâtre d’opérations. Cela veut dire qu’il y a de nouvelles règles pour la Syrie ?

Ces règles dépendent des directives politiques. Et oui, elles sont adaptées à chaque terrain et à chaque ennemi. Cela veut dire que les règles en vigueur en République centrafricaine ne sont pas celles appliquées aujourd’hui en Syrie ou en Irak.