MIGRATIONSDéparts à l’étranger: Les jeunes diplômés français se sont-ils finalement « barrés » ?

Départs à l’étranger: Les jeunes diplômés français se sont-ils finalement « barrés » ?

MIGRATIONSDes données publiées ce mardi par l’Insee remettent en perspective l’idée d’une fuite des cerveaux...
Une vue de New York
Une vue de New York - Stan Honda AFP
Nicolas Beunaiche

Nicolas Beunaiche

Felix Marquardt n’a pas renoncé à vous aider à vous « barrer ». Trois ans après sa tribune choc dans Libération, dans laquelle il invitait les jeunes à quitter la France pour découvrir le monde, l’ancien communicant récidive ce mois-ci avec un classement des pays où il fait bon être jeune. Sans surprise, la France en prend encore pour son grade : sur 64 pays, évalués sur la base de 59 critères, l’Hexagone se classe au 19e rang. Bref, de quoi donner aux jeunes des envies d’ailleurs. En tout cas en théorie. Car dans les faits, la fuite des cerveaux est encore loin d’être une réalité.

Selon les chiffres que l’Insee publie ce mardi, le nombre de sorties de territoire a certes augmenté ces dernières années. Entre 2006 et 2013, les départs de personnes nées en France ont progressé de 5,2 % par an en moyenne. En 2013, près de 197.000 d’entre elles ont quitté le territoire, soit 59.000 de plus qu’au cours de l’année 2006. Une tendance confirmée par l’OCDE, qui indique que 105.000 personnes ont quitté la France pour un pays de la zone en 2013, alors qu’ils étaient 82.000 en 2007.

La France dans la tendance

Marie Reynaud, chef de l’Unité des études démographiques et sociales à l’Insee, voit l’effet de la « mondialisation » dans l’augmentation des flux d’entrées et de sorties. Mais elle réfute l’idée d’un exode massif. « La France se trouve simplement dans la moyenne des pays de l’OCDE », précise-t-elle. Avec un taux d’augmentation des départs vers un pays de la zone de 28 % entre 2007 et 2017, elle se situe en effet au niveau des Etats-Unis (+26 %), et même bien en dessous des pays du Sud de l’Europe comme l’Italie (+92 %), la Grèce (+229 %) ou l’Espagne (+288 %).

La France ne se situe donc « pas à contre-courant », enfonce Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l’OCDE. Et si l’augmentation du nombre de Français résidant à l’étranger a augmenté plus rapidement, ces dernières années, que la population française dans son ensemble, c’est tout simplement parce que la France était en retard sur l’Allemagne ou le Royaume-Uni en la matière, a conclu un rapport de l’Assemblée nationale l’année dernière.

Ces deux pays continuent d’ailleurs d’envoyer hors de leurs frontières plus de ressortissants très qualifiés que la France, ajoute Jean-Christophe Dumont. Alors qu’en 2011, 5,5 % des Français titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur vivaient dans un pays étranger de l’OCDE, cette proportion montait à 8,7 % en ce qui concerne les Allemands et à 11,4 % pour les Britanniques. Bien loin de l’« hémorragie » dont certains s’émeuvent, relativise Jean-Christophe Dumont.

Attention aux départs sans retour

L’an passé, des députés UMP avaient ainsi dénoncé un « déni de réalité » à la lecture du rapport parlementaire. Luc Chatel et ses collègues pointaient notamment du doigt « une accélération de ce mouvement à l’échelle internationale » depuis 2011-2012. Une inflexion que ne semblent pas confirmer les premiers chiffres de l’OCDE, jusqu’en 2013.

Et après ? Impossible à dire. Mais si les chiffres officiels n’existent pas, Jean-Christophe Dumont parie sur une augmentation continue, pas forcément plus. « Ces évolutions sont structurelles, les choses ne changent pas du jour au lendemain », justifie-t-il. Il invite toutefois les autorités à guetter les signes d’une émigration sans retour. « Pour le moment, les demandes de naturalisations de Français à l’étranger n’ont pas augmenté sensiblement, avance-t-il. Mais si elles se multipliaient, alors il faudrait songer à des mesures pour favoriser leur retour… »