INTERVIEWRestos du cœur: «D'indésirable, l'association est devenue indispensable»

Restos du cœur: «D'indésirable, l'association est devenue indispensable»

INTERVIEWA l’occasion des trente ans de l’appel à la solidarité de Coluche, le président des Restos du cœur, Olivier Berthe, revient sur le parcours de l’association…
Olivier Berthe, président des "Restos du Coeur", dans des locaux de l'association à Paris le 24 novembre 2014
Olivier Berthe, président des "Restos du Coeur", dans des locaux de l'association à Paris le 24 novembre 2014 - Matthieu Alexandre AFP
Anissa Boumediene

Propos recueillis par Anissa Boumediene

«J’ai une petite idée comme ça… » Il y a trente ans, le 26 septembre 1985, l’appel à la solidarité de Coluche sur Europe 1 posait la première pierre de ce qui allait devenir Les Restos du cœur. « Militant de la deuxième heure », Olivier Berthe a rejoint l’association il y a vingt-neuf ans, un an après l’appel du comique. D’abord comme simple bénévole, avant d’en devenir le président en 2003. Pour 20 Minutes, il revient sur les 30 ans des Restos.

Comment a commencé votre engagement aux Restos du cœur ?

J’avais 20 ans, c’était à la rentrée en 1986, je venais d’intégrer Sup de Co à Amiens. Des bénévoles de la première heure ont voulu créer des structures régionales avec l’appui d’écoles de commerces. C’est là que j’ai rejoint l’association locale des Restos, créée avec des étudiants de deuxième année.

A l’époque, avec ma vieille 2CV, j’allais voir les maires et les entreprises de mon département pour les solliciter, trouver des lieux de stockage et de distribution, des bénévoles. On partait de rien donc on manquait de tout. Les premières années, il a fallu activer le système D en permanence pour que la structure s’organise au niveau local.

Comment a été accueilli l’appel de Coluche à l’époque ?

Bien sûr, beaucoup de gens ont trouvé que c’était formidable, mais l’initiative n’avait rien d’évident, certains ont eu des doutes, ont pensé que ce n’était pas le rôle d’un comique de lancer un projet comme celui-là. Coluche a fait un travail de fond considérable auprès des maires, du Parlement européen, du ministre des Finances et de l’Industrie agroalimentaire. La première année, il a réussi à mobiliser 5.000 bénévoles.

Quand j’ai rejoint les Restos du cœur, Coluche était mort trois mois plus tôt, on s’est dit qu’il fallait continuer, mais à l’époque, on voyait les choses mois par mois. L’ouverture des frigos européens en 1987 et la loi Coluche de 1988 ont permis de pérenniser l’action.

Qu’est-ce qui a changé en trente ans ?

Au tout début, quand j’allais voir le maire d’une ville où nous souhaitions implanter une nouvelle structure, il nous disait : « Nous n’en avons pas besoin, il n’y a pas de pauvres ici. » Aujourd’hui, si l’on rencontre des difficultés à maintenir une antenne locale et qu’on dit à un maire qu’on envisage de la fermer, il nous dit : « Vous n’avez pas le droit de partir. » D’indésirables, nous sommes devenus indispensables. Le regard de la société a changé aussi : avant, la pauvreté était une problématique que l’on cachait alors qu’aujourd’hui, elle est au cœur des préoccupations des Français.

Mais l’idée de départ n’a pas changé : on aide tous ceux qui en ont besoin de manière inconditionnelle, gratuite et bénévole. Et trente ans après, nombreux sont ceux qui sont encore sensibles à l’appel de Coluche.

En trente ans, les Restos du cœur ont bien grandi…

Nous avons commencé par l’aide alimentaire. Aujourd’hui, nous proposons aussi de l’aide au logement, à l’emploi, on a mis en place Les Restos bébé du Cœur. On organise aussi des sorties culturelles, des départs en vacances et nous sommes toujours prêts à lancer de nouvelles initiatives. D’ailleurs, nous accueillons et recherchons de nouveaux bénévoles.

D’une centaine de centres de distribution, on est passé à 2.111 implantations partout en France. La première année, nous avons aidé 70.000 personnes. En 2014, nos 69.200 bénévoles en ont aidé 950.000.

Comment imaginez-vous les Restos dans trente ans ? Toujours là ?

Aujourd’hui, personne n’est à l’abri d’un accident de la vie et lorsqu’on tombe, c’est parfois très bas. L’idée que des hommes et des femmes se réunissent pour tendre la main à ceux qui trébuchent sera encore là dans trente ans.

Tout ce qu’on peut espérer, c’est qu’il y ait moins de gens qui en aient besoin. Mais tant que ceux qui ont envie d’aider sont là, nous continuerons.