VIDEO. Responsabilité pénale: Les djihadistes sont-ils fous?
JUSTICE•Ce jeudi, à Paris, la chambre de l’instruction se demande si un fanatique de 23 ans doit échapper à un jury populaire et être interné…William Molinié
Fous de Dieu, sans aucun doute. Mais fous, tout court, au point d’échapper à leur responsabilité pénale ? Ce jeudi, la chambre de l’instruction de la cour d'appel de Paris examine le cas d’Alexandre Dhaussy, un djihadiste de 23 ans qui avait poignardé Cédric Cordiez, un chasseur alpin en mission Vigipirate le 25 mai 2013 à La Défense (Hauts-de-Seine).
En formation collégiale, les juges vont questionner les experts psychiatres pour savoir si le jeune homme doit faire face à ses responsabilités ou s’il est préférable de l’interner en hôpital psychiatrique. « Au moins trois experts ont conclu à l’abolition de son discernement. Et a minima, tous s’accordent pour dire qu’il y a une altération du discernement », détaille son avocat, Adrien Mamere. Si tel était le cas, sa responsabilité serait atténuée voire annihilée.
« Un problème vieux comme le monde »
Les djihadistes radicalisés relèvent-ils de la psychiatrie ? Pour quelques-uns d’entre eux, passés à l’acte, la question est posée. Par exemple, Mehdi Nemmouche, auteur de la tuerie devant le musée juif de Bruxelles, est situé « à la limite de la psychiatrie » par des experts du renseignement. Autre exemple, Yassin Salhi qui a décapité son patron à Saint Quentin-Fallavier (Isère), est décrit par certains de ses proches comme ayant « une double personnalité ».
« La question de la responsabilité pénale est un problème vieux comme le monde et ne touche pas que les djihadistes », commente Serge Hefez, psychiatre, psychanalyste et responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris. « La question psychologique est toujours présente dans leur personnalité. L’idéologie djihadiste intensifie des mécanismes d’empathie et de violence », ajoute le docteur dont une partie de l’activité est centrée sur les individus radicalisés.
Tendance à psychologiser
La tendance actuelle à la psychologisation des djihadistes tend à agacer les acteurs de la prévention de la radicalisation. « Quand vous les écoutez, ils ont un discours très rationnel et politique. Dire qu’ils sont mentalement malades, c’est oublier qu’ils sont au service d’une idéologie manipulatrice », conteste Sonia Imloul, responsable de la structure dite de « déradicalisation » créée il y a un an à l’initiative du ministère de l’Intérieur. « Remettre entre les mains des experts psychiatres le destin carcéral d’un individu candidat au djihad est dangereux. Ou alors, il faut qu’ils soient réellement formés et sensibilisés au djihadisme. »
Certains psychiatres pensent que le djihadisme doit se soigner comme une banale addiction. C’est le cas par exemple de Kamaldeep Bhui, professeur en psychiatrie et en épidémiologie à l’université londonienne Queen Mary. Il a interrogé plus de 600 personnes au sein de la communauté musulmane de Bradford et de Londres. Et conclu très sérieusement que la radicalisation ne devrait pas être criminalisée mais soignée comme l’alcoolisme ou le tabagisme.
10 % ont des antécédents
Une source proche des services de renseignement estime « probable » que 10 % des individus radicalisés détectés ces derniers mois aient des antécédents psychiatriques. Le journal Le Figaro avance que 50 cas ont été identifiés depuis janvier. « J’ai tout de même le sentiment que la plupart de ceux qui passent à l’acte ne sont pas télécommandés dans leur esprit par une force supérieure et qu’ils sont responsables de leurs actes », tempère Serge Hefez.
Alexandre Dhaussy, lui, avait déclaré aux policiers : « J’ai reconsulté Dieu pour être sûr que ce soit une bonne action, car je n’étais pas sûr que ça le soit. » Son avocat est catégorique : « Sa psyché n’est pas construite. »