Salaires, contrôles, durées: Cinq propositions pour mieux encadrer les travailleurs détachés
SOCIAL•Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a remis ce mardi à la ministre du Travail un rapport pour mieux réguler le phénomène des travailleurs détachés...Céline Boff
Comment mieux réguler le phénomène des « travailleurs détachés », ces Européens qui viennent travailler en France à moindre coût ? Il y a un peu plus d’un an, la France adoptait une loi, issue d’une directive européenne, et en avril, le Premier ministre a demandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de lui fournir de nouvelles recommandations. Ce dernier a dévoilé son rapport ce mardi. 20 Minutes a retenu cinq propositions de réformes.
Fixer une durée maximale au détachement
Parce qu’il n’y en a pas. La directive européenne de 1996 se contente d’expliquer que le travailleur détaché exécute son travail « pour une période limitée » hors de l’Etat où il travaille « habituellement ». Résultat : les inspecteurs du travail ne peuvent pas agir, même s’ils constatent que l’activité d’un travailleur détaché devient semi-permanente. Le CESE recommande donc qu’une durée maximale soit définie pour chaque secteur d’activité au niveau européen et que cette durée soit négociée par les partenaires sociaux.
Rémunérer les travailleurs détachés au « juste » prix
Actuellement, la règle est de rémunérer les salariés détachés au salaire minimum du pays dans lequel ils travaillent. Résultat : en France, ces travailleurs sont rémunérés au Smic, même s’ils sont très qualifiés et/ou expérimentés. Pire, le CESE constate que ces salariés sont souvent payés en dessous du Smic, puisqu’ils travaillent dans les faits plus de 35 heures par semaine. En outre, les employeurs prennent rarement en charge les frais liés au détachement (nourriture, logement, transport), qui leur reviennent pourtant. Le CESE recommande donc de fixer, dans chaque convention collective, les niveaux de salaires pour les travailleurs détachés en fonction de leurs qualifications et de leurs missions.
Déclarer en ligne les détachements
Le CESE préconise la création d’un site Internet sur lequel les entreprises rempliraient en ligne un formulaire de déclaration de détachement. Déjà mis en place en Belgique avec succès, ce système a deux avantages, insiste le CESE. Primo, il permet de « constituer un guichet unique pour les employeurs prestataires de services et les donneurs d’ordre ». Secundo, il permet de recouper « les informations individuelles sur les travailleurs détachés et les employeurs dans les pays d’accueil et d’envoi ». Donc de mieux contrôler le tout.
Renforcer les moyens de contrôle
Pour l’instant, les contrôles sont « unanimement considérés comme insuffisants », écrit le CESE. D’abord parce que les moyens humains manquent. Le CESE recommande donc de porter les effectifs des Unités régionales spécialisées (URACTI), qui sont chargées de lutter contre le travail illégal, de 140 personnes actuellement à au moins 200 agents. Il recommande aussi d’organiser des contrôles mêlant inspecteurs du travail et policiers. Et, surtout, d’accompagner ces missions d’interprètes. Le CESE recommande même d’introduire « dans le Code du travail une disposition donnant accès aux interprètes sur les lieux inspectés ».
Créer un droit d’alerte pour les accidents du travail
Pour l’instant, les accidents du travail des travailleurs détachés ne sont quasiment jamais déclarés. Et pour cause : si elles ne le font pas, les entreprises qui ont « commandé » ces travailleurs ne risquent rien. Le CESE recommande d’introduire dans le Code du travail la possibilité de condamner le donneur d’ordre à une amende administrative. Il veut également donner un « droit d’alerte » aux instances représentatives du personnel, tels que les CHSCT. Ces élus pourraient donc prévenir l’inspection du travail.