JUSTICESNCF: «C’est une réparation morale» pour les Marocains qui «se sont sentis humiliés»

SNCF: «C’est une réparation morale» pour les Marocains qui «se sont sentis humiliés»

JUSTICEPrès de 800 Chibanis marocains, embauchés par la SNCF dans les années 1970, affirmaient avoir été bloqués dans leur carrière...
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Ils ont obtenu gain de cause après quinze ans de combat. Près de 800 Chibanis marocains, embauchés par la SNCF dans les années 1970, affirmaient avoir été bloqués dans leur carrière et lésés à la retraite en étant maintenu dans un statut de contractuel et non de cheminot, plus avantageux. Le Conseil des Prud’hommes de Paris a condamné ce lundi la SNCF pour discrimination.

La SNCF « prend acte »

Interrogés par 20 Minutes, les deux avocats de la SNCF ont refusé de prendre la parole, l’entreprise ferroviaire ayant diffusé un communiqué ce lundi midi. Dans celui-ci, elle « prend acte des décisions du Conseil des Prud’hommes », sans dire si elle fera appel du jugement ou non. Dans une phrase sibylline, la SNCF déclare qu’elle « va analyser dans les prochaines semaines les conséquences juridiques et financières de ces décisions ». « Nos avocats sont partis avec des cartons de dossiers, on va les regarder au cas par cas », a ajouté Christophe Piednoël, responsable de la communication du groupe.

L’entreprise tente aussi de se justifier : « Dans cette affaire, née il y a 45 ans, la SNCF a respecté les dispositions légales en vigueur. Celles-ci excluent aujourd’hui encore l’embauche au statut SNCF de ressortissants de pays non-membres de l’Union Européenne ».

Après l’annonce de la décision, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner, a salué cette condamnation sur Twitter:

« Revendiquer l'égalité de traitement est une cause juste, nous la renforçons avec l'action collective #chibanis #SNCF http://t.co/Xg36Vl3T8n — Patrick Kanner (@PatrickKanner) September 21, 2015 »

« Droit à la sérénité »

Interrogée par 20 minutes, l’avocate des Chibanis marocains, maître Clélie de Lesquen s’est déclarée « très satisfaite que le statut de cheminot de ces plaignants ait été enfin reconnu ». « C’est une réparation morale, car ils se sont sentis humiliés d’être relégués aux plus bas niveaux dans l’entreprise », explique l’avocate.

A la veille du jugement, cette dernière avait bon espoir de l’emporter : « notre dossier était très solide et nous apportions des preuves irréfutables que la défense adverse ne pouvait contrecarrer », souligne-t-elle. Quant à l’hypothèse que la SNCF fasse appel de la décision, l’avocate invite l’entreprise ferroviaire à ne pas le faire : « mes plaignants sont des personnes âgées qui ont le droit à la sérénité », insiste-t-elle.

Le bonheur des plaignants

A l’annonce du verdict, plusieurs plaignants ont applaudi en déclarant « Vive la République » a rapporté ce lundi l’AFP. Recruté comme contractuel en 1972, Ahmed Katim a fondu en larmes : « C’est une énorme satisfaction, la dignité pour les Marocains » et « la fin d’un combat de 15 ans », a-t-il lancé.

Mohamed Ben Ali, 65 ans, encore en activité, a confié « se sentir aujourd’hui cheminot à 100 % ». « C’est une grande chose : ils reconnaissent la différence que la SNCF a faite entre nous et les Français ».

De son côté, Abdelhadi Fedfane, 66 ans, entré comme contractuel en 1974, parti à la retraite en 2010 « cassé des pieds à la tête » se dit « très heureux » même si « cela ne répare pas ma santé, d’autres sont morts ». Sa carrière c’était « toujours dehors, sur les voies » à assembler les wagons. « On formait les jeunes mais on restait auxiliaires, ils nous disaient "Vous n’avez droit à rien", ça cassait le moral », confie-t-il.