Jeune abattu à Nanterre: «Avant, ça tirait dans les jambes. Hier, c'était dans la tête»
FAITS DIVERS•Au lendemain d’une fusillade dans la cité Pablo Picasso, les riverains sont sous le choc…William Molinié
Au sol, les cinq cercles marqués à la bombe de peinture rouge signalent les cinq douilles retrouvées la veille sur la scène de crime. Un groupe de seniors compte le nombre d’indices sur la petite place coincée entre la résidence et la principale rue de la cité. « Quatre… Cinq… Et c’est ici qu’il s’est effondré », pointe Josy. La victime, un homme âgé d’une vingtaine d’années, habitait le lotissement voisin. Sa mère a accouru dès qu’elle a entendu les coups de feu. « La pauvre dame l’a vu dans cet état », poursuit Josy. Une balle logée dans l’arrière du crâne. Il décédera quelques heures plus tard à l’hôpital.
La fusillade a éclaté mercredi soir, aux alentours de 18h. Une voiture, dont les occupants étaient « cagoulés », selon des témoins, remontait l’avenue Pablo-Picasso à Nanterre (Hauts-de-Seine), principale artère de la cité. Le véhicule ralentit. Une vitre se baisse. « J’ai vu deux personnes sortir de la voiture. Ils les ont poursuivis », raconte un adolescent alliant à la parole le geste du pistolet. La cible ? Un groupe de jeunes adossés au pied d’immeuble. Les deux tireurs, l’un avec une arme de poing et l’autre une « arme longue, sans doute un fusil », selon une source judiciaire, sont ensuite remontés dans la voiture.
Cinq douilles ont été retrouvées par la police technique et scientifique. - W.M./20 Minutes
Règlement de comptes
La victime n’avait pas d’antécédent judiciaire. Mais les policiers ont retrouvé sa trace dans plusieurs dossiers de trafics de stupéfiants. Les enquêteurs du SDPJ 92, en charge de l’affaire, s’orientent pour l’instant plutôt vers « un règlement de comptes entre dealers », indique une source proche du dossier. « Les rapports balistiques devraient préciser le scénario », poursuit-elle.
Déjà en novembre dernier, un jeune homme de 23 ans avait été blessé de plusieurs balles à la cuisse dans le même quartier. Mais cette fois-ci, plusieurs riverains ne croient pas à la version du règlement de comptes. « Lui ne vendait pas de drogue », fait remarquer Abderrahmane, un retraité au sourire édenté. Il poursuit : « J’ai entendu des jeunes dire qu’ils avaient tué la mauvaise personne, qu’elle n’avait rien à voir avec le shit. Je pense qu’ils vont revenir pour retrouver celui qu’ils voulaient avoir et qu’on n’en a pas fini. »
Autopsie ce vendredi
Comme lui, des habitants du quartier prévoient de nouvelles violences dans les jours à venir au cœur de cette cité, présentée comme « sensible », mais en réalité relativement calme, même au lendemain d’une fusillade. « Il ne faudrait pas que ce soit le point de départ d’une vengeance », avertit Abderrahmane. Maxime, un étudiant de 23 ans qui habite une tour voisine, estime que la violence a franchi un seuil : « Avant, ça tirait dans les jambes. Hier, c’était dans la tête et ils sont sortis de la voiture pour le finir… »
« Là, il y a eu un mort, ça devient vraiment grave. Je pense surtout à la famille. Ça va être très dur pour elle », poursuit une jeune femme. Mercredi soir, elle a fait un détour d’un quart d’heure pour rentrer chez elle. « Je ne voulais pas passer devant et m’imaginer que c’était mon fils, justifie-t-elle. En même temps, on ne va pas s’arrêter de vivre. » Selon le parquet de Nanterre, contacté par 20 Minutes, il est encore « trop tôt » pour élaborer un scénario. L’autopsie du corps de la victime doit avoir lieu vendredi. Elle devrait déterminer si l’auteur du coup de feu mortel a tiré à bout portant, signant une véritable exécution en pleine rue.