Sécurité routière: Pourquoi les Français conduisent-ils si mal dans les tunnels?
ROUTE•Une étude de l’Observatoire Sanef dévoilée ce jeudi révèle que les conducteurs éprouvent un sentiment d'impunité dans les tunnels...Delphine Bancaud
En 1999, l’incendie dans un tunnel du Mont-Blanc faisait 39 morts. Un fait divers qui aurait dû marquer les esprits et raviver la conscience du danger dans ces espaces et les inciter à davantage respecter les règles spécifiques de circulation dans ces infrastructures. Pourtant, c’est loin d’être le cas, comme le souligne une étude de l’Observatoire Sanef dévoilée ce jeudi.
52 % des véhicules en excès de vitesse
Pendant une semaine, 105.000 véhicules ont été observés dans le tunnel de l’A14 via deux caméras de surveillance et une station de comptage.
Le résultat des courses est accablant. Tout d’abord concernant la vitesse des conducteurs. Alors qu’elle est limitée à 90 km/h dans les tunnels, 52 % des véhicules légers sont en excès de vitesse, dont 26 % qui roulent à plus de 100 km/h et 11 % à plus de 110 km/h. Des résultats font bondir Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière : « C’est une mauvaise surprise qui montre que beaucoup d’automobilistes n’ont pas encore pris conscience des risques qu’ils courent dans les tunnels alors que ce sont des lieux intrinsèquement dangereux ».
Trop peu de radars
« Leur vitesse excessive s’explique sans doute par leur volonté de sortir de cette zone le plus rapidement possible. C’est d’autant plus surprenant que le tunnel de l’A14 est long », souligne-Pascal Contremoulins, responsable de la sécurité routière du groupe Sanef.
L’obscurité du tunnel leur donnerait-elle aussi l’impression que leurs écarts de conduite passeront inaperçus ? C’est probable, comme le confirme Emmanuel Barbe : « Les radars fixes dans les tunnels sont encore trop rares, hormis ceux de l’A86 et ceux dans le tunnel du Mont-Blanc. Ce qui peut donner à certains automobilistes un sentiment d’impunité », explique-t-il. Quant aux radars mobiles, les forces de l’ordre les installent parfois dans les niches situées dans les tunnels, mais en raison de la configuration des lieux, cela reste rare.
Autre bévue courante dans les tunnels : 32 % des véhicules légers ne respectent pas les distances de sécurité et c’est le cas de 20 % des poids lourds. « A l’air libre, 25 % enfreignent cette règle. Le non-respect des distances s’aggrave donc dans les tunnels alors que le marquage au sol se voit très bien et que dans certains tunnels, des diodes bleues matérialisent aussi les distances de sécurité à respecter », note Pascal Contremoulins.
« L’obscurité ne justifie pas le non-respect de cette règle car depuis la catastrophe du Mont-Blanc des millions ont été injectés dans la rénovation des tunnels pour améliorer leur éclairage, le marquage au sol, la signalisation », renchérit Emmanuel Barbe.
Des accidents qui peuvent avoir des conséquences dramatiques
Enfin, alors que la réglementation impose l’utilisation des feux de croisement dans les tunnels, 13 % des conducteurs ne le font jamais et restent en feux de position (ou veilleuses). « Ils considèrent sans doute que les tunnels sont bien éclairés et que ce n’est pas la peine d’utiliser les feux de croisement », analyse Pascal Contremoulins. « Ils ne sont sans doute pas attentifs à cela, alors que dans un tunnel, les véhicules peuvent être moins bien vus par ceux qui les précèdent ou les succèdent. C’est d’autant plus important dans des tunnels bidirectionnels ».
Des chiffres qui sont inquiétants, selon Pascal Contremoulins. « Car le non-respect de ces règles élémentaires de sécurité peut avoir des conséquences catastrophiques, en cas d’incendie, de collision entre deux voitures… ». D’autant que dans un tunnel, les secours ont souvent du mal à accéder au lieu de l’accident.
Fort de ce constat, la Sécurité routière envisage de nouvelles mesures : « On va s’employer à placer davantage de radars fixes dans les tunnels», promet Emmanuel Barbe.