Rétention administrative : Pourquoi la situation se dégrade selon les associations ?
IMMIGRATION•Dans leur cinquième rapport commun sur le sujet, cinq associations critiquent le recours, selon elles abusif, de la France à l’enfermement administratif…Delphine Bancaud
C’est une réalité dérangeante que décrivent chaque année cinq associations (France Terre d’asile, la Cimade, l’Ordre de Malte, le Forum réfugiés-Cosi, l’Assfam) : la France enferme toujours aussi massivement en centre de rétention les sans-papiers sous le coup d’une mesure d’éloignement, dans l’attente de leur renvoi forcé. Et d’après leur rapport annuel révélé ce mardi, la situation a encore empiré en 2014. Un constat qui devrait être fortement commenté, alors que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, présentera mercredi le projet de loi sur le droit des étrangers. Décryptage.
Toujours plus de personnes placées en centre de rétention
En 2014, près de 50.000 personnes ont été privées de liberté dans les centres ou locaux de rétention administrative (CRA ou LRA). Soit une hausse de 9 % par rapport à 2013. La France est actuellement le premier pays en matière d’enfermement d’étrangers en Europe, devant l’Espagne, la Belgique, l’Allemagne et l’Angleterre. « Sur les 50.000 personnes retenues en 2014, 23.166 l’ont été en Outre-mer où la situation des sans-papiers est très dégradée », commente Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. Selon lui, « les CRA apparaissent comme une opportunité pour les autorités de disperser les populations après le démantèlement d’un camp de migrants ».
Le nombre d’enfants enfermés en hausse
En 2014, leur nombre a augmenté de 16 % dans les CRA de métropole et de 59 % à Mayotte, soit 5.692 au total. « Il peut s’agir de mineurs isolés ou d’enfants accompagnés de leur famille. François Hollande s’était pourtant engagé à interdire la rétention pour les enfants », déclare Pierre Henry. Une situation qui a aussi perduré malgré la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme.
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Le temps passé en CRA augmente
Alors que le temps passé en CRA était de dix jours en moyenne ces dernières années, il a été de 12,3 jours en 2014. Dans certaines préfectures comme en Haute-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, le Val-de-Marne ou la Moselle, les durées de privation de liberté atteignent même en moyenne 17 jours. Quant à la durée maximale de rétention elle est toujours de 45 jours. « L’augmentation de la durée de rétention s’explique sans doute par une pratique plus coercitive de l’administration. Or, enfermer plus longtemps n’a jamais permis d’éloigner plus. Il est ainsi prouvé qu’une fois le 32e jour de rétention passé, le taux d’éloignement est très faible puisqu’il ne constitue que 6 % des reconduites », déclare Pierre Henry.
Les conditions de vie dans certains lieux de rétention ont empiré
Dans les LRA, destinés à recevoir très temporairement des étrangers en attendant leur transfert dans un centre de rétention, « les conditions sont proches de celles de la garde à vue, sans présence d’une équipe médicale ni aucune assistance juridique », précise le rapport. La situation de certains CRA en Outre mer serait aussi préoccupante : « Les personnes retenues doivent supporter la promiscuité, car les chambres sont souvent surpeuplées et hébergent à la fois des familles et des personnes isolées », note Pierre Henry.
L’efficacité de la rétention administrative est douteuse
Plus de la moitié des reconduites depuis la métropole ont été réalisées vers des pays membres de l’Union européenne, au titre notamment des réadmissions vers le pays d’arrivée. Elles sont donc suivies de retours fréquents. « Ce qui prouve que la rétention a une efficacité douteuse, qu’elle est très onéreuse et qu’elle ne règle pas la question migratoire », conclue Pierre Henry.