VIDEO. Scandale de l’agneau-méduse: «Plusieurs fautes ont été commises»
INTERVIEW•Le président du centre de recherche de l’Inra incriminé s’explique sur l’affaire de l’«agneau OGM» commercialisé par mégarde...Propos recueillis par Nicolas Beunaiche
Les médias l’ont déjà baptisé « l’agneau-méduse », par commodité. En fait, Rubis est un agneau né d’une mère génétiquement modifiée nommée Emeraude, dont le génome a été modifié pour y introduire un gène récupéré sur une méduse. Avec ce gène capable de coder une protéine, il était ainsi possible de rendre fluorescentes certaines cellules de l’animal pour évaluer leur viabilité après une greffe. Une expérience médicale qui n’aurait pas fait parler d’elle au-delà des laboratoires, si Rubis ne s’était pas retrouvée à l’abattoir, puis dans la cuisine d’un particulier. Faut-il pour autant s’inquiéter ? Benoît Malpaux, président du centre de recherche de l’Inra de Jouy-en-Josas (Yvelines), dont dépend le site incriminé de Bressonvilliers (Essonne), tente de rassurer les consommateurs.
Rubis est née d’une mère génétiquement modifiée. Etait-elle elle-même porteuse du gène de méduse ?
L’agneau était porteur de ce gène mais il était inactif. C’est classique en biologie : on peut penser que l’insertion de ce gène a été faite dans une zone ne permettant pas son expression. Résultat : il était silencieux, ce qui signifie que la protéine destinée à rendre les cellules de l’animal fluorescentes n’était pas active.
Si ce gène avait été actif, la viande aurait-elle été dangereuse pour la santé ?
Non. Ce gène fait partie du groupe I des OGM, « dont le risque pour la santé humaine et pour l’environnement est nul ou négligeable ». La viande de la mère de cet agneau, dont le génome contenait pourtant ce gène actif, n’était donc pas non plus toxique. Dès novembre 2014, nous nous sommes assurés de son innocuité.
Comment cet agneau s’est-il retrouvé à l’abattoir à votre insu ?
Les centres de recherche comme celui de Jouy-en-Josas bénéficient d’un agrément du ministère de la Recherche. Les animaux génétiquement modifiés doivent être tenus à l’écart, dans des enclos spécifiques. Dans le cas de cet agneau, plusieurs fautes ont été commises. Quelqu’un l’a d’abord déplacé vers l’enclos des bêtes destinés à l’abattoir. Puis il a été mené vers l’abattoir quelques jours plus tard, en août 2014, sans aucune vérification. Ensuite, durant trois mois, l’affaire a été dissimulée par cette personne, avec la complicité d’une autre, si bien que nous n’avons découvert l’affaire qu’en novembre.
Etes-vous certain qu’un seul agneau issu de ce programme a fini à l’abattoir ?
Oui. L’enquête administrative l’a montré. De toute façon, si cela n’avait pas été le cas, le problème aurait été détecté en fin d’année au moment du bilan du cheptel.
Avez-vous tenté de retrouver l’acheteur de la viande en question ?
Non. Notre priorité était de prouver que le gène dont l’animal était porteur était inoffensif. Mais je doute qu’il soit possible de le retrouver. L’agneau a été vendu à un abattoir, qui l’a ensuite vendu à un particulier. Or le nom de l’acheteur n’apparaît pas sur le nom de la facture. Ce n’est pas obligatoire.
Stéphane Le Foll a appelé à « sécuriser la recherche ». Etes-vous d’accord avec lui ?
Je suis évidemment en accord avec cet objectif. On a déjà fait beaucoup dans une démarche d’amélioration continue. Les procédures existent, il s’agit encore de les faire évoluer. Pour autant, les dérives individuelles que nous avons constatées ne doivent pas remettre en cause le cadre réglementaire existant.
Comprenez-vous tout de même l’écho qu’a cette affaire ?
Oui, je le comprends. La question des OGM est très sensible dans la société. Nous sommes parfaitement conscients de notre responsabilité et le non-respect de l’autorisation de commercialisation est inacceptable. Je souhaite simplement qu’on ne généralise pas ce cas. Il y a 36 sortes d’OGM. Il faut rappeler que ce programme de recherche est lié à la cardiologie humaine. Les OGM étaient utilisés dans ce but.