Hillary Clinton VS Jeb Bush: «Ce n'est pas la fin de la méritocratie aux Etats-Unis»
MONDE•L’historien spécialiste des Etats-Unis, François Durpaire, décrypte l'affiche dont rêve les médias…W.M.
Le scénario qui emballait Washington se précise. Au grand bonheur de la presse américaine. Jeb Bush, fils du 41e président et frère du 43e, s’est lancé dans la course des primaires pour représenter les républicains à l’élection présidentielle américaine de 2016. Au même moment, Hillary Clinton, femme de Bill, le 42e président américain, a officiellement démarré sa campagne, côté démocrates.
Bush VS Clinton. La même affiche qu’en 1992, seuls les prénoms ont changé. « On sent bien que le système de la politique-spectacle, fortement dominant aux Etats-Unis, favorise des noms d’ores et déjà inscrits dans les esprits », écrit dans La Croix le directeur du journal, Guillaume Goubert. La fin du rêve américain, du « self-made-man » politique ? « La société américaine prend le profil d’une méritocratie héréditaire », relève, tout en paradoxe, The Economist.
PORTRAIT. Jeb Bush, candidat d'une dynastie
Contacté par 20 Minutes, François Durpaire, historien des Etats-Unis et maître de conférences à l’Université de Cergy Pontoise, n’y voit pas « la fin de la méritocratie américaine ». Il explique pourquoi cette situation inédite ne remet pas en cause les fondements méritocratiques des Etats-Unis.
Dynastie, un mot mal approprié ?
Dans ce remake de 1992, les observateurs y voient un « retour des dynasties ». Ce terme est effectivement pertinent pour décrire le clan Bush, l’histoire d’un destin absolument inédit si le deuxième fils, Jeb, entre à la maison blanche. L'étiquette de «fils et frère de» lui colle à la peau et c'est par l'humour qu'il essaye de s'en détacher.
Mais, selon François Durpaire, parler de dynastie pour le clan Clinton est inapproprié. « On compare des situations qui ne le sont pas. On ne peut pas dire que le couple Clinton soit une dynastie. Certes leur fille travaille pour eux, mais comme Claude Chirac pouvait aider son père », relève-t-il.
Attendre la fin de l’histoire
Que transpire cette affiche au sommet de la société américaine ? La fin du self-made-man en politique ? « Il ne faut pas oublier que le président actuel, Barack Obama n’est pas "un fils de". Attendons la fin de l’histoire avant d’en tirer des conclusions », poursuit le spécialiste des Etats-Unis. Par ailleurs, même si certains hommes politiques, au Congrès notamment, occupent leur poste depuis trente ans, la possibilité d’ascension politique est toujours une réalité.
Barack Obama, par exemple, avait moins de quatre ans d’expérience de politique nationale avant de devenir le 44e président des Etats-Unis. « Contrairement à nos primaires en France, celles des partis aux Etats-Unis sont réellement ouvertes. Il n’y a pas de blocage sur les personnes. Tout le monde peut y aller, du moment qu’il lève des fonds pour financer sa campagne », ajoute François Durpaire.
Une situation exceptionnelle
A bien y regarder, une opposition Bush-Clinton en 2016 serait une première aux Etats-Unis. D’abord côté Bush, ce serait la première fois dans l’histoire des Etats-Unis que trois personnes avec un lien de sang direct soient tour à tour président. Jusqu’alors, John Quincy Adams, le sixième président, était le fils du deuxième, John Adams. Benjamin Harrison, élu en 1888, était le petit-fils de William (1841). Et Franklin Roosevelt, 32e titulaire de la charge, était un lointain cousin du 26e, Theodore.
Côté Clinton, ce serait la première fois qu’une femme d’un président soit à son tour élue. « Ce sont des destins exceptionnels, qui ne représentent pas l’évolution d’une société. C’est un peu l’arbre qui cache la forêt », avance l’historien.