JUSTICEDisparition du petit Mathis: Son père entre silence et provocation devant les assises

Disparition du petit Mathis: Son père entre silence et provocation devant les assises

JUSTICEMardi, au deuxième jour de son procès aux assises du Calvad os, Sylvain Jouanneau est resté muré dans son silence...
Bérénice Dubuc

B.D. avec AFP

Poursuivi pour l'enlèvement et la séquestration de son fils Mathis disparu en 2011 à l'âge de 8 ans, à Caen, Sylvain Jouanneau s'est montré mardi «incohérent» et provocateur quand il ne s'est pas muré dans son silence.

«Mais on n'en peut plus, il faut secouer ce monsieur. Si personne le bouscule, il parlera jamais», a presque crié, en larmes à la barre, Alain Louet, le compagnon de la maman de Mathis, à la fin de ce deuxième jour de procès aux assises du Calvados. «Où est Mathis?», lui ont demandé les proches de l'enfant qui se sont succédé à la barre lundi et mardi.

«Ca changerait rien»

Sylvain Jouanneau est resté muré dans son silence. «Ca changerait rien», a fini par lâcher l'accusé, relancé par la présidente Antoinette Lepeltier-Durel. Il continue de se contenter de dire qu'il a confié à des tiers, à l'étranger, l'enfant qu'il aurait dû ramener à sa mère le 4 septembre 2011.

L'ombre d'un meurtre de Mathis a continué à planer sur ce procès. Lorsque la présidente demande à l'accusé pourquoi il a laissé le réhausseur de Mathis dans la voiture qu'il a abandonnée près de Bayonne aux alentours du 4 septembre, Sylvain Jouanneau reste longtemps silencieux, regarde son avocate, avant de répondre qu'il n'en a pas eu besoin car il est ensuite parti en camping-car avec Mathis.

«Incohérences»

Sans plus de précision, «pour ne pas mettre en danger des personnes que je veux protéger», comme il le répète inlassablement. L'accusé a été vu le 4 septembre 2011, près de Bayonne, puis plusieurs fois entre le 12 octobre et le 9 décembre, date de son arrestation, près d'Avignon, par au moins six témoins, mais toujours seul.

Face à «toutes (ses) incohérences» dénoncées par l'avocat général Pascal Chaux, l'ancien cadre, qui a fait de nombreux séjours en hôpital psychiatrique depuis vingt ans, passe à «la provocation» selon les termes de l'avocat général: «Vous ne les avez pas trouvés», les gens à qui l'enfant aurait été confié, lance l'accusé. «S'il faut que je vous reprenne à chaque terme!» ose dire aussi Sylvain Jouanneau, à l'avocat général.

L'audience de mardi a été marquée par le témoignage de la maman de Mathis évoquant la «souffrance» de son fils, avant même l'enlèvement, et suscitant ainsi les larmes de la famille maternelle de l'enfant comme celles de la famille de l'accusé. Nathalie Barré a évoqué en sanglots son fils «pleurant toutes les larmes de son corps» après avoir dû chez son père rédiger 12 pages de 50 lignes de punition.

«Un outil»

Sylvain Jouanneau, 41 ans, comparaît aussi pour menaces de mort sur sa dernière compagne, Emmanuelle Lecerf, qui l'a quitté en août 2011 après deux ans et demi de relation, et des proches de cette femme. En visioconférence, elle a raconté comment elle avait dissuadé Sylvain Jouanneau d'enlever Mathis en janvier 2011 après avoir parlé plus de deux heures avec lui au téléphone, alors qu'il était à la frontière espagnole, «hystérique», avec son fils et qu'il lui disait que «le petit pleurait».

Sylvain Jouanneau lui avait pourtant paru «un bon père, qui n'élevait pas la voix». Ni Nathalie Barré ni les autorités n'ont alors été alertées de cette tentative. L'ex-compagne a décrit un homme attentionné avec elle, mais qui avait fini par lui faire «terriblement peur», avant même les menaces de mort formulées à son encontre en octobre 2011, si elle ne revenait pas avec lui. «Si une personne n'assume pas ses erreurs envers moi, je suis capable du pire», lui avait alors écrit l'accusé.

«Je suis convaincu que M. Jouanneau aimait son fils. Mais à partir de l'enlèvement, Mathis devient un outil pour lui», a estimé l'expert psychologue Florent Gatherias, sceptique sur le fait que l'accusé puisse se mettre à parler dans l'immédiat. Sylvain Jouanneau, dont le casier judiciaire est vierge, encourt 30 ans de prison. Le verdict est attendu jeudi ou vendredi.